Femmes et chantiers : une équation encore difficile

30 mars 2016
Marie-Noëlle Deblois

Isolement, discrimination, harcèlement… L’intégration des femmes sur les chantiers reste difficile. Afin de discuter des obstacles et des meilleures stratégies à adopter pour recruter des femmes dans l'industrie, l’Association de la construction du Québec organisait, le 16 mars dernier, le Colloque sur l’intégration des femmes dans la construction

Depuis une quinzaine années, de nombreuses mesures et incitatifs financiers ont été adoptés afin de favoriser la mixité sur les chantiers de construction. Bien que ceux-ci aient réussi à attirer les femmes dans les métiers de la construction, le deux tiers d'entre elles avaient quitté l'industrie après cinq ans.

 

« La première version du Programme d'accès à l'égalité des femmes misait sur des mesures volontaires pour les entrepreneurs. Il n’y avait pas de suivi une fois que ces femmes entraient sur le marché du travail, ce qui a eu comme effet de les isoler davantage. Nous souhaitons à présent couvrir le parcours complet des travailleuses. Travailler de façon plus systémique », explique Audrey Murray, vice-présidente de la Commission de la construction du Québec (CCQ).   

 

Changer la culture

La discrimination et les idées préconçues restent une importante problématique. Le manque de force physique est sans doute le préjugé le plus tenace. Pourtant, les données recueillies révèlent que les exigences liées à la force physique ne constituent pas un motif d’abandon pour la majorité des travailleuses. Au contraire, l'arrivée de femmes sur un chantier a tendance à améliorer le bilan de santé et sécurité. Les femmes sont souvent contraintes d'adapter les équipements, ce qui engendre un comportement plus sécuritaire et offre un levier d'innovation à certaines pratiques. C'est le cas lors d'opérations de levage par exemple.

 

Les cas de discrimination ou de harcèlement sexuel et psychologique restent malheureusement très fréquents sur les chantiers. Des enjeux propres au secteur de la construction, comme la précarité d'emploi et la référence de la main-d'œuvre ont de plus tendance à augmenter les difficultés liées à l'intégration des femmes.

 

« Il est de la responsabilité de l'entrepreneur de faciliter l'intégration de ses employées, ajoute Stéphane Pépin, président de Gestion 3 dans 1, qui compte 31 femmes parmi ses 64 employés. Mais il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. J'avise mes futures employées dès l'entrevue des difficultés qu'elles rencontreront et je fais le tour de mes chantiers régulièrement afin d'être sensible à ce qui s'y passe. »

 

La version renouvelée du Programme d’accès à l’égalité des femmes dans l’industrie de la construction, adoptée au printemps 2015, inclut entre autres, des règles administratives assouplies pour faciliter l'obtention d'un premier emploi pour les femmes, la favorisation de mentorat et d'accompagnement entre femmes et un meilleur accès aux centres de formation spécialisés. Des outils en ligne comme Monpremierchantier.com ou encore des formations comme Sensibilisation à l’intégration des femmes au sein d’équipes de travail sont de plus mis à la disposition des entrepreneurs.

 

À l'heure actuelle, les métiers qui attirent le plus de femmes sont ceux de peintre, de calorifugeur et de plâtrier. À l'opposé, elles sont quasi inexistantes dans des métiers comme ceux de mécanicien industriel et de mécanicien de machinerie lourde.

 

Selon Hélène Vachon, présidente de FRONT- Femmes regroupées en options non traditionnelles, il est plus facile de préparer le terrain que de corriger une situation. « Il faut se doter de politiques dès le départ. Si les entrepreneurs sont sensibles aux enjeux et prêts à réagir, l'intégration sera plus facile ».

 

Cet article est paru dans l’édition du vendredi 18 mars 2016 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !