Une chronique du cabinet Dufresne Hébert Comeau - Dans l’affaire Double N Earthmovers Ltd. c. Ville d’Edmonton et Sureway Construction of Alberta Ltd., la Cour suprême a établi le principe selon lequel le donneur d’ouvrage n’a pas l’obligation expresse ou implicite de vérifier, avant l’acceptation d’une soumission, si le soumissionnaire conforme le moins-disant respecte les exigences énoncées au cahier des charges de l’appel d’offres.
Dans cette affaire, Double N Earthmovers, soumissionnaire rival, soutenait que la ville d’Edmonton avait manqué à ses obligations envers elle en adjugeant le contrat à Sureway Construction of Alberta Ltd (« Sureway ») sans faire de vérifications au préalable pour s’assurer que cette dernière se conformait aux conditions énoncées dans les documents d’appel d’offres.
L’appel d’offres lancé par la Ville visait la fourniture de machines devant être des modèles de 1980 ou plus. Or, la Ville avait été avisée avant l’adjudication du contrat à Sureway que cette dernière ne détenait pas les modèles de machines requis, malgré qu’elle se soit engagée dans sa soumission à les fournir.
Malgré cela, la Cour suprême a conclu que la Ville n’avait pas manqué à ses obligations envers Double N en ne vérifiant pas l’information fournie au soutien de la soumission de Sureway, puisque chaque soumissionnaire est tenu en droit de se conformer aux modalités de sa soumission et de respecter ses engagements advenant l’acceptation de celle-ci.
La Cour, dans cette décision partagée à cinq juges contre quatre, a donc modulé l’obligation d’agir équitablement du donneur d’ouvrage pour des motifs d’efficacité : « Imposer aux propriétaires l’obligation de vérifier si les soumissionnaires respecteront les modalités de leurs soumissions aurait pour effet de gêner le bon fonctionnement du mécanisme d’appel d’offres et d’y faire obstacle finalement en créant des incertitudes fâcheuses. »
La naissance d’un nouveau courant ?
Dans la décision Construction CEG inc. c. Corporation d’hébergement du Québec (CHQ), rendue en début d’année, la Cour supérieure est venue nuancer la décision du plus haut tribunal du Canada sans toutefois renverser celle-ci.
Dans cette affaire, ce sont les professionnels, à titre de consultants du donneur d’ouvrage, qui ont avisé leur client qu’il y avait lieu de valider si le plus bas soumissionnaire, I.M.E., détenait l’expertise professionnelle requise.
La Cour supérieure a jugé qu’ « à partir du moment où les consultants s’interrogent sur la qualification et que la CHQ (le donneur d’ouvrage) décide de la valider, celle-ci ne peut plaider qu’elle n’a aucune obligation ». De plus, elle ajoute que sa vérification doit être faite de façon diligente et raisonnable.
Il est toutefois pertinent de noter que la Cour supérieure précise que malgré le fait que le donneur d’ouvrage doive exercer ce processus « en raison des obligations d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances », il n’a toutefois pas à mener une « commission d’enquête ».
Cette décision de la Cour supérieure ouvre certainement la porte, dans certaines circonstances, à une obligation de vérification accrue de la part du donneur d’ouvrage. Il sera intéressant de voir si elle sera suivie et si elle marque le début d’un renversement de tendance jurisprudentielle.
Cette chronique constitue une source d’information générale. Pour toute question plus précise sur le sujet ou pour faire part de vos commentaires, nous vous invitons à communiquer avec l’auteure de cette chronique : Me Cynthia Bernardelli, par courriel à cbernardelli@dufresnehebert.ca ou téléphone au 514 331-5010.
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