Enseignante en chaudronnerie et première femme à participer à la Compétition canadienne des apprentis-chaudronniers, Nathalie Delisle a rejoint par coïncidence l'industrie de la construction, mais change présentement le milieu à sa façon.
Métier physique et manuel, le chaudronnier manipule les différents métaux avant de les assembler par coupage, soudage, encrage et échafaudage. En 2013, sur 913 chaudronniers au Québec, seulement 14 étaient des femmes.
Provenant d'une famille de mineurs en Abitibi, elle a voulu suivre les traces de sa parenté qui l'a déconseillée de travailler dans l'industrie minière. Après des études infructueuses en architecture, un étudiant en chaudronnerie lui a conseillé de se lancer dans la même formation que lui. « Je me suis inscrite au cours de chaudronnerie et je ne savais même pas ce que c'était. J'ai appris ça à l'école, quand ils m'ont tout expliqué », raconte ironiquement celle qui est actuellement enseignante à ce même centre de formation.
Un métier exigeant
La débrouillardise et la polyvalence sont les deux grandes qualités à posséder pour se lancer dans la chaudronnerie. « Il faut en permanence faire du neuf avec du vieux. J'ai travaillé dans les raffineries de pétrole, l'installation, la réparation de nouveaux équipements, les tours, les échangeurs, les réservoirs et les réacteurs. Quand on y va, on ne sait jamais dans quoi on va travailler », exprime la chaudronnière.
Un des éléments qu’elle apprécie dans son travail est le changement continuel. « Ce n'est pas un emploi de 9 à 5 avec le même monde durant 50 ans, affirme l’enseignante en chaudronnerie. Oui, je rencontre du monde, c'est le même secteur de Montréal, les travailleurs sont sensiblement les mêmes, mais il y a une rotation que j’aime beaucoup. » Sa passion pour son métier l’a finalement menée à enseigner la chaudronnerie. « J'adore les gens, je suis comme tombée en amour avec tout ça », témoigne-t-elle.
Défis pour les femmes
Même si la carrière de Nathalie Delisle est remplie de succès, cette dernière est consciente qu’être une femme dans le domaine de la construction pose de nombreux défis. « C’est toujours la même chose. C'est une fille, je ne la veux pas. C'est un emploi de gars », se souvient la chaudronnière sur les commentaires de certains contremaîtres à son effigie.
C’est avec du cœur au ventre que Mme Delisle a su persister et se tailler une place dans le domaine de la construction. « J'ai placé mes affaires et je suis capable de faire la job. Je suis un peu moins critiquée », remarque celle qui exerce son métier depuis maintenant 11 années.
Nathalie Delisle a dû surmonter plusieurs défis durant sa carrière et elle est consciente des changements présents qu'elle apporte à son milieu. « Une femme qui enseigne un métier d'homme, c'est mon petit coup pour changer le monde de la construction, s'exprime-t-elle. Ça brainwash les jeunes et ça les prépare aux éventualités du métier où il n'y a pas seulement des hommes sur un chantier. »
En tant qu’enseignante et chaudronnière, elle sait comment préparer ses étudiantes féminines aux réalités du marché. Selon elle, il faut avant tout se concentrer à exécuter le travail aussi bien que les autres employés sur le chantier. « Si tu ne veux pas te casser un ongle ou que tu as peur de te dépeigner, tu n'as pas ta place en construction, commente l'enseignante. Si tu n'es pas capable de faire le travail, retourne chez toi. C'est exactement ce que je dis aux garçons aussi. »
Autre conseil, elle suggère à ses étudiantes de rester fermes, être directes et de s'affirmer lorsqu'elles discutent avec les garçons au travail. « Si tu es physique, si tu es capable de parler et d'avoir de la gueule, dire ton point de vue, évidemment, ça diminue toujours les défis pour une femme », conclut Mme Delisle.
Un plus pour les chantiers
Malgré certains désavantages et obstacles rencontrés par les femmes dans la construction, la chaudronnière reconnait des points positifs. Selon elle, le climat change complétement lorsqu'il y a une présence féminine sur le chantier. « C'est le sourire des hommes. L'atmosphère change, c'est les blagues, en plus, je suis un peu boute-en-train, ça change tout », mentionne-t-elle.
La chaudronnière a aussi ses propres trucs pour détendre les travailleurs et faire apprécier la présence d'une femme sur le chantier. « Quand ça fait 30 jours en ligne qu'on travaille, les gars n'ont plus de motivation et il y a parfois des tensions, exprime-t-elle. Je fais donc plein de sucre à la crème et là ça descend l'atmosphère. »