AU TRIBUNAL : L’hypothèque légale de la construction en 4 étapes

13 octobre 2016
Par Me Philip Thibodeau

Bien que la plupart des projets de construction comportent leur lot de défis, il arrive que le plus grand d’entre eux consiste simplement à se faire payer une fois les travaux complétés. 

Dans un tel cas, le Code civil du Québec prévoit alors un mécanisme très efficace pour les entrepreneurs, sous-entrepreneurs, architectes, ingénieurs, fournisseurs de matériaux et  ouvriers qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble : l’hypothèque légale de la construction.

 

La principale force de l'hypothèque légale de la construction réside dans le fait qu’elle permet, en cas de défaut de paiement, de faire vendre l'immeuble en justice ou même d’en prendre possession à titre de paiement, tout en offrant au créancier impayé une priorité devant toute autre hypothèque publiée jusqu’à concurrence de la plus-value apportée à l’immeuble par les travaux.

 

Afin de pouvoir en bénéficier, il est toutefois important de s’assurer de respecter l’ensemble des formalités imposées par la loi. À cet égard, nous proposons une revue des différentes étapes requises pour conserver et exécuter son droit à l’hypothèque légale de la construction.

 

1re étape : La dénonciation du contrat

 

L’article 2728 du Code civil du Québec impose une condition particulière à ceux qui n’ont pas contracté directement avec le propriétaire de l’immeuble : pour avoir droit à l’hypothèque légale, ceux-ci doivent obligatoirement dénoncer leur contrat par écrit au propriétaire de l’immeuble. Il est par ailleurs important que cette dénonciation soit transmise sans tarder au propriétaire puisque l’hypothèque légale sera limitée aux travaux effectués et aux matériaux fournis après la transmission de l’avis de dénonciation.

 

L’avis de dénonciation doit ainsi comprendre :

  • Une description de l’immeuble visé
  • Le nom du cocontractant
  • La nature du contrat
  • La valeur du contrat
  • L’intention de celui qui donne l’avis de se prévaloir de l’hypothèque légale en cas de non-paiement de sa créance.

 

Le but de cette dénonciation est d’aviser le propriétaire de l’existence du contrat de sous-traitance ou de fourniture de matériaux, ce qui pourra alors lui permettre d’effectuer les retenues suffisantes afin de couvrir la valeur des hypothèques légales qui pourraient éventuellement être inscrites sur son immeuble.

 

Quant à ceux qui ont contracté directement avec le propriétaire (par exemple un entrepreneur général), ceux-ci n’ont évidemment pas à dénoncer leur contrat au propriétaire avant de commencer leurs travaux. Dans leur cas, le droit à une hypothèque légale est acquis dès la conclusion de leur contrat.


2e étape : L’avis de conservation de l’hypothèque légale

 

Une fois les travaux complétés, la prochaine étape consiste à inscrire un avis de conservation de l’hypothèque au Bureau de la publicité des droits dans un délai de 30 jours après la fin des travaux. Il s’agit d’une délai de rigueur qui doit absolument être respecté, sous peine de voir son droit à l’hypothèque légale s’éteindre.

 

Cet avis doit être signifié au propriétaire de l’immeuble.

 

La notion de « fin des travaux » est donc très importante, puisqu’il s’agit du point départ permettant de calculer le délai de 30 jours. À cet égard, même si plusieurs intervenants participent à un même projet de construction et que ceux-ci complètent leurs travaux respectifs à des dates différentes, il n’existera toujours qu’une seule date de fin des travaux applicable à l’ensemble des intervenants. Selon l’article 2110 du Code civil du Québec, cette date correspond au moment où « l’ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine ». En pratique, il s’agira généralement du moment où l’ensemble des éléments prévus aux plans et devis auront été complétés. La notion de fin des travaux constitue cependant une question de faits qui doit faire l’objet d’une analyse au cas par cas.

 

3e étape : Le préavis d’exercice du droit hypothécaire

 

Après s’être assuré d’avoir inscrit son hypothèque légale dans un délai de 30 jours de la fin des travaux, la prochaine étape consiste à inscrire un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire dans les six mois de la fin des travaux. Notons que le préavis devra avoir été signifié au propriétaire préalablement à l’inscription.

 

Le préavis d’exercice, aussi connu comme « l’avis de 60 jours », est un document dans lequel on informe le propriétaire de son intention d’exercer un recours hypothécaire devant les tribunaux à défaut d’avoir reçu paiement intégral dans un délai de 60 jours.

 

4e étape : L’exercice du recours hypothécaire

 

Advenant que le créancier n’ait toujours pas été payé au terme du délai de 60 jours, il devient possible pour lui de s’adresser aux tribunaux afin d’exercer son droit hypothécaire. Les choix de recours sont les suivants :

  • La prise en paiement de l’immeuble
  • La vente sous contrôle de justice
  • La vente par le créancier
  • La prise de possession à des fins d’administration

 

Il conviendra alors au créancier d’analyser chaque situation afin de déterminer le recours le plus approprié, ceux-ci comportant chacun des avantages qui leur sont propres.

 

Conclusion

L’hypothèque légale de la construction constitue une arme redoutable qui peut bénéficier à de nombreux intervenants dans le domaine de la construction. Compte tenu des délais strictes qui sont imposés, il s’agit toutefois d’une arme qu’il faut s’assurer de bien maîtriser à chaque étape, au risque de se retrouver avec une corde de moins à son arc.

 

Pour questions ou commentaires, n'hésitez pas à communiquer avec Me Thibodeau à pthibodeau@millerthomson.com ou par téléphone au 514 879-2128.


Miller Thomson avocats

 

 

Cet article est paru dans l’édition du mardi 27 septembre 2016 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous