Le Conseil du statut de la femme recommande de retirer les permis des entrepreneurs en construction condamnés pour harcèlement sexuel ou discrimination à l'endroit de travailleuses sur leur chantier. Il s'agit de l'une des principales recommandations contenues dans l'avis Une mixité en chantier - Les femmes dans les métiers de la construction, publié mardi. Selon cet avis, malgré leur intérêt pour ces emplois bien payés, les femmes ne représentent que 1,3 % des travailleurs de la construction, notamment en raison du harcèlement, de l'intimidation et de la discrimination que nombre d'entre elles subissent sur les chantiers. Selon le Conseil, les mesures incitatives n'ayant pas fonctionné, le gouvernement doit exiger que les entrepreneurs qui obtiennent des contrats publics embauchent un minimum de 3 % de femmes sur leurs chantiers, soit l'équivalent de la moyenne canadienne, d'ici trois ans.
L'industrie de la construction est le secteur le plus traditionnellement masculin au Québec : on y dénombre plus de 98,7 % d'hommes. La présidente du Conseil du statut de la femme, madame Julie Miville-Dechêne, souligne que « ce bastion de la culture masculine valorise les rapports de pouvoir, la virilité, la force physique et la solidarité. La présence des femmes y est perçue comme une menace. »
Le parcours de la combattante
Malgré leurs compétences, plusieurs femmes n'arrivent pas à se faire reconnaître par leurs pairs ou par leur employeur, ni même par leur syndicat, comme des travailleuses à part entière. C'est 62 % des travailleuses qui quittent les chantiers après cinq ans, et la plupart n'y remettront plus jamais les pieds. « Parmi les femmes qui abandonnent les chantiers, il faut souligner que la moitié le font parce qu'elles en ont assez de la discrimination dont elles sont victimes », précise madame Miville-Dechêne. Dans cet avis fouillé, le Conseil déboulonne quelques mythes, dont celui voulant que les femmes n'aient pas la force physique nécessaire pour exercer ces métiers. Ces recommandations visent à assainir le climat sur les chantiers, à donner des outils aux femmes pour se défendre et à sensibiliser les syndicats et les entrepreneurs.
La place des femmes dans l'industrie de la construction au Québec en bref
- En 2011, il y a 2 067 travailleuses sur une population de 159 166 travailleurs. Ce chiffre représente à peine 1,3 % de femmes sur les chantiers ;
- le pourcentage de 1,3 % de la main-d'œuvre féminine active est actuellement le score le plus bas enregistré au Canada ;
- 59 % des femmes possèdent le statut d'apprenti comparativement à 32 % pour les hommes ;
- 18 % des femmes ont le statut de compagnon alors que cette proportion est de 50 % pour les hommes ;
- les travailleuses se concentrent principalement dans 4 des 26 métiers de la construction ;
- en 2011, les femmes représentent plus de 4 % de la main-d'œuvre apprentie dans seulement quatre métiers : calorifugeur-calorifugeuse (6 %), carreleur-carreleuse (4 %), peintre (16 %) et plâtrier-plâtrière (6 %). Elles sont absentes du métier de mécanicien-mécanicienne de machines lourdes ;
- du côté des compagnons, en 2011, on compte seulement quatre métiers, dont le pourcentage de femmes s'élève à plus de 1 % : calorifugeur-calorifugeuse (3,0 %), carreleur - carreleuse (1,1 %), peintre (3,6 %), plâtrier-plâtrière (1,9 %). Comme pour les apprentis, il n'existe pas de femmes compagnon dans le métier de mécanicien-mécanicienne de machines lourdes ;
- le taux de salaire horaire des hommes et des femmes est le même puisque déterminé par les conventions collectives. Dans les faits, on observe un écart important entre le salaire annuel moyen des travailleuses et celui des travailleurs. En 2005, les hommes ont gagné en moyenne 26 590 $ comparativement à 13 642 $ pour les femmes.
Des actions s'imposent
Pour le Conseil, il importe d'agir rapidement sur le maintien en emploi des travailleuses puisqu'au rythme actuel, l'entrée des femmes sur les chantiers ne suffira pas à combler les départs, pas plus que les besoins de main-d'œuvre anticipés. Il faut que les efforts déployés pour favoriser l'accès des femmes aux métiers traditionnellement masculins s'accompagnent de mesures qui leur permettront de bénéficier des mêmes avantages et des mêmes droits que les hommes lorsqu'elles seront en emploi. Les recommandations du Conseil portent notamment sur :
- la nécessité d'intervenir pour que cessent le harcèlement, l'intimidation et la discrimination que subissent de nombreuses femmes sur les chantiers ;
- l'importance d'augmenter l'embauche de femmes dans les métiers de la construction par des mesures plus contraignantes afin d'atteindre une masse critique ;
- la pertinence de sensibiliser les employeurs par la mise en œuvre d'une campagne de publicité élaborée conjointement par la Commission de la construction du Québec et les ministères et partenaires concernés ;
- la nécessité d'agir en amont pour lutter contre les stéréotypes sexuels et les préjugés ;
- le besoin d'imprégner les actions mises en place pour favoriser l'entrée et le maintien des femmes dans ce secteur d'activité à toutes les étapes de la trajectoire qui mène à l'exercice d'un métier dans l'industrie de la construction.
Toutes les recommandations sont disponibles dans l'avis et dans son résumé.
L'avis Une mixité en chantier - Les femmes dans les métiers de la construction ainsi que son résumé sont accessibles en ligne à l'adresse suivante : www.placealegalite.gouv.qc.ca