Regard sur la norme Bâtiment Carbone Zéro (BCZ), outil incontournable pour accélérer la réalisation des objectifs de décarbonation du secteur du bâtiment.
La question de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à court ou à moyen terme semble sur les lèvres de tous les acteurs de l’industrie de la construction. Dans un contexte où le Canada s’est engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, la norme canadienne BCZ — qui figure parmi les premières normes du bâtiment à carbone zéro dans le monde depuis 2017, soulignons-le — représente un préalable indispensable pour respecter les priorités fixées en matière de décarbonation.
D’entrée de jeu, Mark Hutchinson, vice-président aux programmes du bâtiment durable et de l’innovation du Conseil du bâtiment durable du Canada (CBDCa), tient à préciser que la norme BCZ offre deux voies pour atteindre la cible carbone zéro : « La norme BCZ-Design — outil qui oriente la conception des nouveaux bâtiments et la rénovation majeure des immeubles existants — comporte des exigences, notamment quant à l’efficacité du bâtiment et aux combustibles fossiles, et cible la réduction du carbone intrinsèque des matériaux de construction. Il s’agit assurément d’une démarche à suivre !
Pour ce qui est de la norme BCZ-Performance, elle constitue un cadre pour vérifier, année après année, que les bâtiments ont bel et bien atteint l’objectif du carbone zéro dans leur fonctionnement. Par exemple, nous chercherons à savoir quelles sont les sources d’émissions de carbone durant l’année d’opération et de quelles façons elles ont été minimisées, que ce soit par des achats d’énergies renouvelables, de biogaz ou avec des achats de crédits de carbone ou autres. »
En ce qui concerne ces deux normes, un bilan de carbone opérationnel à zéro doit être démontré. Relativement à la norme BCZ-Design, une déclaration du carbone intrinsèque est nécessaire et celui-ci ne doit pas dépasser la limite imposée (≤500 kg éq.CO2/m2 ou pourcentage d’amélioration par rapport au bâtiment de référence ≥10 %). Les projets ayant été certifiés BCZ-Design visant aussi une certification BCZ Performance devront, pour leur part, compenser leur carbone intrinsèque lors du dépôt de la demande. À noter qu’il n’y a pas d’exigences en ce qui a trait à l’efficacité énergétique pour les projets visant une certification BCZ-Performance. Mais, ceux qui convoitent une certification BCZ-Design doivent démontrer une efficacité énergétique supérieure, notamment en ne dépassant pas une certaine valeur d’intensité énergétique.
Pour Mark Hutchinson, il ne fait aucun doute que l’électricité est une partie de la solution pour atteindre la carboneutralité dans les délais prescrits: « En vue d’éliminer le carbone opérationnel, il faut d’abord et avant tout éliminer les combustibles fossiles. Le Québec occupe une position privilégiée en matière de production d’électricité propre, sobre en carbone et à un coût relativement abordable par comparaison avec le gaz naturel et autres options. Nous pouvons donc compter sur l’électricité pour réduire le carbone tout en limitant les frais d’exploitation pour autant qu’elle soit utilisée efficacement et prudemment. »
Évolution
Ces normes, toujours en évolution, font régulièrement l’objet de mises à jour afin de répondre aux besoins changeants de l’industrie. Pour ce qui concerne la norme BCZ-Performance, une vérification doit être menée annuellement alors qu’un plan de transition sera reconduit tous les cinq ans tant que des combustibles émetteurs de GES sont utilisés sur place. La norme BCZ-Design, qui en est maintenant à sa troisième version, sera pour sa part soumise à une révision dès l’automne alors que des discussions avec certains acteurs de l’industrie seront engagées pour recueillir leurs avis et commentaires sur les différents points clés de cette norme. « Notre approche consiste à s’assurer que la version qui sera lancée pourra correspondre aux besoins du marché et que ses exigences seront réalistes et atteignables pour la plupart des projets, explique Mark Hutchinson. L’objectif est de discuter et de travailler de pair avec les principaux intervenants du marché afin de découvrir ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas, et de conserver une approche qui cadre avec l’industrie et les technologies qui, elles, sont en constante évolution. » Sur le terrain, un certain constat se dégage donc. Mais qu’en est-il des données officielles ?
Le grand nombre de projets inscrits pour l’obtention de la certification BCZ-Design témoigne du fort intérêt porté à cette norme. « Plus de 200 projets, indique non sans fierté le vice-président du CBDCa. Et c’est sans compter la trentaine de projets qui sont, à ce jour, certifiés à travers le pays. » Et le Québec n’est pas en reste avec plus de trente projets inscrits. Pas moins de six ont obtenu la certification. « Au CBDCa, nous sommes particulièrement enchantés de constater que des bâtiments de tous types et de tailles variées font un pas de plus pour atteindre la carboneutralité. Des bâtiments aussi divers que des immeubles de bureaux, des immeubles résidentiels ou institutionnels, des écoles, des garderies, des centres communautaires, des entrepôts, pour ne nommer que ceux-ci, visent la certification. »
« En ce qui concerne la norme BCZ-Performance, poursuit- il, il en va un peu différemment puisque la vérification de la certification doit être effectuée tous les ans. De ce fait, pas moins de cinquante édifices ont atteint la certification dont plusieurs l’ont obtenue plus d’une fois, par exemple, l’édifice Jacques-Parizeau et l’édifice Le Phénix qui tous deux l’ont atteinte pour une quatrième fois de suite. »
Pour l’instant, peu de changements sont attendus du côté de la norme BCZ-Performance, laisse entendre Mark Hutchinson. Toutefois, la norme BCZ-Design devrait continuer à évoluer avec toujours plus d’exigences en matière de carbone intrinsèque tout en poursuivant son chemin vers l’élimination complète des combustibles fossiles au fur et à mesure que les technologies le permettront. « Nous acceptons actuellement l’utilisation des combustibles fossiles pour le chauffage lorsque la température extérieure est plus basse que -10 °C, mais d’ici 2050 ceux-ci devront être complètement éliminés, et ce, même pour la demande de pointe. Il y aura très certainement du changement au fil du temps bien que, pour l’heure, nous ne pouvons nous avancer sur comment ça va changer ni à quelle vitesse. Mais une chose est certaine, il faudra que ça change. Et l’industrie sera en position de changer, car plus les règlements continuent à évoluer, plus nous serons en mesure de devenir des leaders dans l’industrie ! »
Modèles d’exemplarité
À l’évidence, le Québec n’est pas en reste pour ce qui est de bâtiments construits selon cette norme. Et pour l’école Curé-Paquin du Centre de services scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles, à Saint-Eustache, le jeu en valait manifestement la chandelle. Seul bâtiment québécois parmi les 16 projets pilotes de l’Initiative sur les bâtiments Carbone Zéro, cette école a été le tout premier projet à avoir été certifié BCZ-Design au Québec à l’hiver 2019. Véritable modèle d’exemplarité, cette école bénéficie notamment d’une conception solaire passive, de la ventilation naturelle et de trente-six puits géothermiques qui alimentent le système de chauffage par planchers radiants hydroniques. Et la liste pourrait s’allonger encore et encore.
Plus récemment, d’autres projets ont aussi été certifiés, que l’on pense notamment à l’Académie et au Collège Sainte-Anne à Dorval qui ont reçu la certification plus tôt cette année, mais aussi au projet d’agrandissement de la firme d’architecture Rayside Labossière à Montréal qui l’a obtenue en mai 2023. Deux projets industriels, soit les bâtiments Tamperguard à Dorval et Vortex Aquatic Structures International à Pointe-Claire, ont tout récemment été certifiés, ce qui démontre que la certification n’est pas uniquement le lot des immeubles de bureaux.
« Au CBDCa, nous prenons très au sérieux l’urgence d’agir pour combattre efficacement les changements climatiques, soutient Mark Hutchinson. Nous remarquons de plus en plus que les gouvernements, la société, notre industrie — qu’il s’agisse des investisseurs, des promoteurs immobiliers, des propriétaires ou des locataires — emboîtent le pas pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il faut donc s’y attaquer rapidement puisque dans l’industrie dans laquelle nous évoluons, chaque décision que nous prenons, que ce soit pour une rénovation ou pour le design d’un bâtiment neuf, aura des répercussions qui s’échelonneront sur des décennies. Qu’il s’agisse d’un remplacement d’une chaudière, d’une rénovation ou lors de la conception d’un bâtiment, il faut viser le carbone zéro aujourd’hui, car nous n’aurons probablement pas la chance de réviser nos choix avant 2050 ! »
Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2023. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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