Soumissionnaires : ne méprisez pas les petits addenda !

19 septembre 2011
Par Me Antonio Iacovelli

 Dans une chronique du 29 mai 2009, j’ai traité de la décision de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire 3469051 Canada inc. c. Hôpital juif de réadaptation concernant l’aspect impératif pour un soumissionnaire de bien respecter les conditions applicables à un appel d’offres afin de ne pas manquer à une condition essentielle de celui-ci et de voir sa soumission rejetée faute de conformité.

 

Il y a lieu de revoir cette question car une récente décision de la Cour supérieure rendue le 30 juin 2011 dans l’affaire Énergère Consultants inc. c. Commission scolaire de Montréal vient de réitérer le raisonnement de la Cour d’appel et démontre qu’il faut être rigoureux en complétant sa soumission afin de satisfaire tous les aspects d’un appel d’offres, aussi anodins qu’ils puissent paraître, surtout lorsque ceux-ci représentent des conditions de conformité des soumissions. 

 

Les faits

La Commission scolaire de Montréal (« CSDM ») lance un appel d’offres le 29 novembre 2010 relativement à un projet visant la réduction de la consommation énergétique de ses bâtiments.

 

L’appel d’offres de la CSDM comporte deux étapes, celle de la sélection de candidatures suivie de celle du dépôt de propositions par les entrepreneurs sélectionnés. L’appel d’offres précise également l’obligation de dûment remplir un formulaire confirmant que le soumissionnaire a tenu compte des addenda émis. Les instructions aux soumissionnaires précisent qu’il s’agit d’une condition de conformité de la soumission.

 

Énergère Consultants inc. (« Énergère ») soumet sa candidature pour la première étape le 11 janvier 2011 mais, en février 2011, sa candidature est rejetée avant même de passer à la deuxième étape pour la simple raison qu’elle n’a pas dûment rempli ledit formulaire de l’appel d’offres de la CSDM indiquant qu’elle avait considéré les quatre addenda émis.

 

Les quatre addenda portent sur les sujets suivants :

 

1) le premier addenda précise la date et la tenue d’une réunion d’information qui a eu lieu deux mois auparavant, soit en décembre 2010 ;

2) le deuxième addenda modifie l’ordre de sections qui doivent être présentes dans les candidatures ;

3) le troisième addenda modifie la date de l’échéancier global ; et

4) le quatrième addenda mentionne que la CSDM est fermée durant la période des Fêtes (lesquelles ont pris fin plus d’un mois auparavant).

 

Se sentant lésée dans ses droits, Énergère poursuit sa cause en justice, requérant de la Cour supérieure une ordonnance enjoignant à la CSDM de suspendre son processus d’appel d’offres et de le recommencer avec un nouvel appel de candidatures.

 

Énergère plaide que, de toute façon, en signant le document d’appel d’offres, elle s’est engagée à respecter toutes les conditions y apparaissant. De plus, elle plaide avoir lu et compris chacun des quatre addenda.

 

Quant au premier addenda, elle indique qu’elle était présente à la réunion et a donc forcément pris en compte l’addenda.

 

Quant au deuxième, elle allègue avoir rempli et retourné les documents requis dans le bon ordre, ce qui démontre qu’elle a tenu compte de cet addenda.

 

Énergère allègue qu’elle était consciente du troisième addenda relativement à l’échéancier global mais l’absence d’indication qui en fait état n’affecte nullement, selon elle, la qualité de sa candidature ni sa capacité de se qualifier pour l’étape deuxième du processus de la CSDM.

 

Et quant au quatrième addenda, Énergère soumet que puisqu’elle a déposé sa candidature après la période des Fêtes, cet addenda n’a aucune portée sur sa validité comme candidate dans le processus.

 

La CSDM rétorque en soumettant qu’est claire la condition de l’appel d’offres relativement à l’obligation des soumissionnaires de dûment remplir le formulaire indiquant qu’ils avaient pris connaissance des quatre addenda. La CSDM plaide qu’elle n’avait donc pas le choix de rejeter la soumission d’Énergère compte tenu de son omission de dûment remplir ledit formulaire.

 

Par ailleurs, malgré ce que l’on puisse dire relativement à l’importance des addenda 1 et 4, plaide la CSDM, il ne faut pas banaliser les addenda 2 et 3 qui auront un impact sur les retenues, la rentabilité du projet et l’échéancier de celui-ci. 

 

La décision de la Cour supérieure

Le tribunal rejette la requête d’Énergère en décidant que la CSDM n’avait d’autre choix que de rejeter la soumission d’Énergère.

 

La CSDM, étant un organisme public, la cour considère que l’appel d’offres de la CSDM est régi par le Règlement sur les contrats de travaux de construction des organismes publics (le « Règlement »). L’article 5 du Règlement oblige les organismes publics telle la CSDM à prévoir des conditions de conformité des soumissions et l’article 7 du même Règlement précise que ces conditions doivent indiquer les cas entraînant le rejet automatique d’une soumission.

 

Le juge estime que la condition de la CSDM voulant que le formulaire reconnaissant les addenda soit dûment rempli par les soumissionnaires est conforme à l’article 7 du Règlement.

 

La cour fait, par la suite, un survol de la jurisprudence en la matière, dont l’arrêt de la Cour d’appel que j’ai traité dans ma chronique du 29 mai 2009 avant d’édicter « qu’il importe peu de s’attarder sur les qualifications des vices » mais qu’il faut plutôt s’assurer de respecter toutes les conditions applicables à l’appel d’offres, y compris celle ayant trait à l’énumération des addenda qui, selon la cour, constitue une condition essentielle à la recevabilité de la candidature d’Énergère.

 


Vous pouvez adresser vos questions ou commentaires à Me Antonio Iacovelli par courriel ou au 514 871-5483.

Miller Thomson

 

Cette chronique est parue dans l’édition du mardi 30 août 2011 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !