Le recours à la ventilation naturelle est appelé à se développer

2 juillet 2013
Par Mathieu Fleury, architecte, P.A. LEED BD+C

Afin d’offrir aux occupants de nos édifices contemporains des environnements intérieurs sains et confortables, l’apport d’importantes quantités d’air frais est essentiel. Depuis les années cinquante, cette ventilation des espaces intérieurs est généralement assurée par des systèmes mécanisés. Cet avènement des systèmes de ventilation mécaniques a eu des impacts majeurs sur l’architecture de nos édifices. Elle a permis aux architectes de jouir d’une grande liberté dans l’aménagement des espaces intérieurs de même que dans le design des façades, notamment en permettant de grandes surfaces vitrées.

 

Dans un contexte de conscientisation environnementale et devant la nécessité de réduire notre empreinte écologique, les pratiques actuelles doivent être remises en question. D’autres stratégies sont envisagées, telle la ventilation naturelle. En effet, le recours à la ventilation naturelle permet de réduire de manière significative la consommation énergétique nécessaire à l’exploitation des bâtiments. Cette dépendance réduite à l’énergie entraîne une diminution des émissions de CO2 engendrées par l’exploitation des bâtiments. Également, de nombreuses études tendent à démontrer que la ventilation naturelle est généralement préférée par les occupants des bâtiments, spécialement s’ils ont un certain contrôle sur celle-ci, notamment par le biais de fenêtres ouvrantes.

 

La ventilation naturelle consiste en l’utilisation des phénomènes physiques, essentiellement le vent et les différences de température, afin de créer une circulation d’air à l’intérieur des bâtiments. Ces phénomènes atmosphériques permettent l’introduction d’air frais, l’extraction de l’air vicié ainsi que l’élimination de l’humidité pouvant causer des moisissures indésirables. Depuis toujours, les concepteurs d’édifices ont étudié et utilisé les mouvements naturels de l’air dans l’objectif de fournir aux occupants des bâtiments air frais et confort thermique. La plupart des bâtiments construits avant 1950 furent conçus de manière à être ventilés naturellement. Ceux-ci peuvent servir d’inspiration et de source de connaissances pour les concepteurs contemporains.

 

En effet, les écrits actuels traitant de ventilation naturelle proposent souvent des techniques constructives typiques des bâtiments érigés avant le développement des systèmes de ventilation mécanisés. Fréquemment utilisée dans les bâtiments situés dans des pays au climat modéré, le recours à la ventilation naturelle dans les pays nordiques est appelé à se développer et à intégrer des systèmes de récupération de chaleur, de manière à être opérationnels même en période de chauffe.

 

Plusieurs stratégies s’offrent aux concepteurs souhaitant réaliser des bâtiments avec système de ventilation naturelle. Une analyse et une compréhension approfondie des phénomènes naturels propres au lieu de la construction est requise. Un design intégrant un système de ventilation naturelle localise et oriente l’architecture en fonction des vents. Il amincit la morphologie du bâtiment et dispose les ouvertures afin de permettre une circulation d’air d’un coté à l’autre des espaces.

 

Les bâtiments naturellement ventilés comportent typiquement des volumes de 12 mètres (40 pieds) ou moins de largeur. Ils sont pourvus de fenêtres horizontales, situées près du plancher, plus efficaces pour la ventilation naturelle que celles situées en hauteur. Leurs planchers sont surhaussés par rapport au sol afin de profiter de vents plus puissants. Finalement, la mise en place de « cheminées solaires » permet d’accentuer les différences de température et ainsi provoquer une circulation d’air. Les outils informatiques actuels de simulation de la dynamique des fluides, des mouvements d’air, permettent d’analyser et d’optimiser le positionnement des ouvertures et des cloisons.

 

Les défis sont nombreux pour réaliser des bâtiments contemporains avec ventilation naturelle et plusieurs obstacles sont à surmonter. Le contrôle de la fumée en cas d’incendie est plus difficile et peut exiger l’installation d’équipements spécialisés. L’atténuation des bruits extérieurs peut être difficile à contrôler dans un édifice muni de fenêtres ouvrantes. Évidemment, pour les projets situés en milieu urbain, l’air extérieur doit être propre. Si une filtration est requise, un système de ventilation mécanique sera nécessaire.

 

Finalement, les édifices modernes à grandes surfaces de plancher, généralement de forme carrée, ne furent pas conçus pour permettre une ventilation naturelle. Dans un processus d’optimisation énergétique et environnementale des bâtiments existants, la mise en place d’un système de ventilation naturelle est plus complexe et plus onéreuse dans ce type de bâtiment.

 

En ce qui concerne les bâtiments datant d’avant 1950, la question de la ventilation est complexe lorsqu’il est question de recyclage, de changement de fonction. Généralement, le recyclage d’un bâtiment ancien exige ce que l’on appelle dans le jargon du métier une « mise aux normes ». Celle-ci implique pratiquement toujours l’installation de systèmes mécaniques de ventilation, travaux souvent onéreux et ayant des impacts significatifs sur les caractéristiques historiques du bâtiment. Il importe de se rappeler que ces bâtiments furent conçus de manière à permettre une ventilation naturelle. Ils sont généralement étroits, hauts, et munis de fenêtres ouvrantes judicieusement placées. Le recyclage de ces bâtiments devrait préserver et optimiser ces principes fonctionnels.

 

À cause de notre climat, les bâtiments québécois ont un excellent potentiel pour la ventilation naturelle, essentiellement pour le refroidissement en période estivale. La mise en place de fenêtres ouvrantes sur des édifices normalement fermés et climatisés (édifices de bureaux, hôpitaux, bibliothèques, etc.) constitue un premier pas vers une réappropriation des environnements construits par les utilisateurs. Ceux-ci se voient offrir un contrôle sur leur environnement.

 

Pour permettre la mise en place de stratégies de ventilation naturelle, les normes de ventilation de même que le Code du bâtiment devront être révisés afin de prendre en considération l’adaptabilité de l’humain à des variations de température. La mise en œuvre de ces technologies nécessite un engagement clair des donneurs d’ouvrage et des professionnels du bâtiment envers le développement durable.

 


L’auteur est architecte pour la firme Vachon & Roy, à Gaspé : mfleury@vachonroyarchitectes.com.

Conseil du bâtiment durable du Canada - section du Québec

 

Cette chronique est parue dans l’édition du jeudi 27 juin 2013 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !