L’accessibilité n’est toujours pas aussi universelle que souhaité au sein des bâtiments québécois. Mais aussi lentement que sûrement, certains changements pointent à l’horizon.
L’accessibilité universelle vise à faciliter l’accès aux bâtiments, ainsi que leur utilisation, pour l’ensemble des usagers, sans discrimination quelconque. Circuler en fauteuil roulant, ouvrir une porte les bras chargés, transporter un enfant en poussette, s’orienter grâce à la signalisation, saisir un message transmis par haut-parleur, voilà autant de situations qui militent en faveur d’un aménagement adéquat de ceux-ci. Bien que diverses sociétés tendent de plus en plus vers un usage universellement accessible des bâtiments et de leurs alentours, très peu encore atteignent cet objectif au Québec.
S’il y a un modèle à suivre, c’est celui de Mathieu Lamarche. En jetant les bases de TerraNova, un complexe locatif de 142 appartements situé dans le quartier écoresponsable Urbanova, à Terrebonne, le président du Groupe GDI a voulu en faire un exemple d’accessibilité universelle. Non seulement le complexe offre un parcours sans obstacles du stationnement à l’entrée des logements, mais près de la moitié des unités pourront éventuellement être adaptées à l’accueil d’une personne à mobilité réduite.
« Je me suis mis dans la peau de l’usager à la plus faible mobilité qui soit pour concevoir le TerraNova, relate Mathieu Lamarche. Mais le projet n’a pas été pensé seulement pour les personnes handicapées, il a été conçu aussi pour les personnes âgées qui souhaitent rester chez elles le plus longtemps possible. Les logements ne sont pas adaptés, mais ils sont adaptables moyennant un petit investissement. »
Lui-même cloué à un fauteuil roulant depuis un accident de moto survenu en 2003, Mathieu Lamarche parle en connaissance de cause. Sa première maison, il ne pouvait même pas y entrer à cause des marches !
À TerraNova, une pente inclinée à 1 % mène jusqu’à l’entrée, où un ouvre-porte électrique fait office de concierge. Les portes des logements sont pourvues d’un seuil rétractable et les salles de bains offrent un rayon de déplacement de 1,5 mètre. De plus, les trottoirs sont marqués de lignes pour les personnes malvoyantes et le panneau de contrôle des ascenseurs est en braille.
Une définition universelle
Mais avant de procéder à l’état des lieux, encore faut-il une définition sur laquelle tout le monde s’entend. Pour la Régie du bâtiment du Québec, l’accessibilité se limite à un parcours sans obstacle jusqu’à l’intérieur des bâtiments ainsi que sur les aires de plancher desservies par un ascenseur. Mais pour l’architecte Anna Kwon, cette définition est un peu étroite, car elle ne prend pas en compte l’ensemble des besoins des personnes aux prises avec une limitation fonctionnelle.
« Le concept part des besoins des personnes handicapées, mais il concerne aussi bien les personnes âgées, les femmes enceintes et les nouveaux arrivants que les personnes qui ont une déficience auditive, motrice, visuelle ou intellectuelle, rappelle celle qui est aussi consultante en design universel à Société Logique, un organisme voué à la promotion de l’accessibilité universelle et qui offre des services-conseils en aménagement.
« Actuellement, 33 % de la population québécoise déclare avoir des limitations fonctionnelles affectant sa vie quotidienne, et cela inclut autant les limitations temporaires que les déficiences acquises et les déficits liés à l’âge, fait-elle valoir. L’accessibilité, c’est un enjeu social important. L’idée consiste à aménager des bâtiments dans lesquels toutes les personnes, sans exception, pourront vivre en toute liberté et en toute sécurité. Car lorsque les embûches sont trop nombreuses, les gens finissent par renoncer et s’isoler. »
Une vision élargie
Yvon Provencher, agent de développement et de communication au Regroupement des aveugles et amblyopesdu Montréal Métropolitain (RAAMM), estime pour sa part que le marché du bâtiment ne répond nullement aux besoins des personnes atteintes d’une déficience visuelle. « Lors de consultations auprès de nos membres, nous avons dégagé huit thèmes pour une meilleure accessibilité des bâtiments, indique-t-il.
« Ces thèmes ont été regroupés dans un document intitulé Pour des bâtiments plus accessibles, qui sera en ligne sur notre site internet d’ici les fêtes. Il ne s’agit pas de revendications, mais bien de suggestions, comme l’aménagement de trottoirs menant à l’entrée du bâtiment ou le sens d’ouverture des portes. Une porte qui ouvre sur un corridor, c’est un obstacle qui risque de causer des blessures. On suggère aussi d’éviter les paliers, comme à la Place Bonaventure, d’installer des tuiles avertissantes et de multiplier les sources d’éclairage. »
Une révision attendue
La situation est toutefois appelée à évoluer. Consciente des lacunes réglementaires en la matière, la RBQ s’est en effet penchée sur la question de l’adaptabilité des logements avec l’Office des personnes handicapées duQuébec (OPHQ). « Un projet de règlement est en cours, signale l’architecte Rym Isma Raoui, de la Direction de la réglementation et de l’expertise-conseil à la RBQ. Il inclut des exigences d’adaptabilité pour les bâtiments résidentiels visés.
« On prévoit entre autres des portes assez larges avec des seuils bas, des fonds de clouage dans la salle de bains pour installer des barres d’appui, des aires de manoeuvre suffisantes pour les fauteuils roulants. On est conscients qu’il s’agit d’un travail nécessaire, mais on n’a pas de date butoir pour son entrée en vigueur. Le projet de règlement suit son cours, il est présentement à l’étape des autorisations en vue de sa publication dans la Gazette officielle. »
Un patrimoine à rebâtir
Il reste que la réglementation actuelle et à venir ne concerne pas les bâtiments existants, déplore Anna Kwon. « En rénovation, s’il s’agit d’une transformation mineure, les concepteurs ne sont pas tenus d’appliquer les prescriptions de la conception sans obstacles définies à la section 3.8 du Code. Dans le cas d’une transformation majeure, la partie 10 exige simplement une entrée accessible et une salle de toilette accessible dans la partie non transformée du bâtiment, la partie transformée devant pour sa part répondre à l’ensemble des exigences de conception sans obstacles.
« C’est dommage, car le patrimoine bâti, ce sont des quartiers, des centres-villes complets. Il faudrait que la réglementation soit renforcée. D’un autre côté, il n’y a pas de solutions miracles. L’idéal, c’est d’inclure les notions d’adaptabilité et d’accessibilité dès le début d’un projet, et de consulter au préalable les usagers pour voir où se trouvent réellement les besoins. »
Fonds pour l’accessibilité – Canada : ce fonds comporte deux volets, un pour l’accessibilité en milieu de travail, l’autre pour l’accessibilité dans les collectivités. Il finance les travaux de construction et de rénovation visant à faciliter l’accessibilité pour les personnes handicapées. Les critères d’admissibilité sont définis lors des appels de propositions.
Programme d’aide à l’accessibilité des commerces : lancé en janvier dernier par la Ville de Montréal, ce programme doté d’un budget de 1,6 M$ d’ici 2022 prévoit la réalisation d’une quarantaine de projets par année (p. ex. : ouvre-porte automatique, ascenseur, rampe, plate-forme élévatrice, nivellement de plancher, élargissement de porte, sanitaires). Les travaux admissibles sont financés à 75 %, pour une aide maximale de 10 000 $.
- Utilisation par tous : assurer un usage équitable et sécuritaire pour tous.
- Utilisation simple et intuitive : réaliser des aménagements facilitant l’orientation.
- Utilisation flexible : planifier des aménagements variés pouvant répondre à des besoins différents (plusieurs entrées accessibles, mains courantes doubles).
- Utilisation diversifiée : créer des aménagements répondant à différents besoins (fontaines sur deux niveaux, sièges adaptés dans les salles de spectacle).
- Utilisation sécuritaire : concevoir des aménagements facilitant l’évacuation en cas d’urgence.
- Utilisation adéquate de l’information : offrir des aménagements favorisant l’accès à l’information, notamment pour les personnes ayant une limitation auditive, visuelle ou intellectuelle, sans oublier les personnes analphabètes et d’origine culturelle différente.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2017. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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