Les documents d’appel d’offres exigent souvent comme condition d’admissibilité que les soumissionnaires possèdent les qualifications, les autorisations, les permis, les licences, les enregistrements, les certificats, les accréditations et les attestations nécessaires aux travaux devant être réalisés.
Lorsqu’une telle exigence est inscrite aux documents d’appel d’offres, le défaut pour le soumissionnaire de respecter cette condition aura pour effet de le rendre inadmissible et sa soumission ne sera pas considérée.
D’ailleurs, même en l’absence d’une telle clause dans les documents d’appel d’offres, lorsque le contrat convoité vise un organisme public, l’article 6 du Règlement sur les contrats de travaux de construction des organismes publics prévoit expressément une obligation similaire :
6. Les conditions d’admissibilité exigées d’un entrepreneur pour la présentation d’une soumission sont les suivantes : 1° posséder les qualifications, les autorisations, les permis, les licences, les enregistrements, les certificats, les accréditations et les attestations nécessaires; […] Le défaut d’un entrepreneur de respecter l’une de ces conditions le rend inadmissible. Cette obligation a récemment été analysée par la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Agences Robert Janvier ltée c. Société québécoise des infrastructures[1].
Au terme de cette décision, le tribunal a condamné la Société québécoise des infrastructures (« SQI ») à indemniser Agences Robert Janvier ltée (« ARJ ») suivant l’octroi du contrat à un soumissionnaire qui ne détenait pas les permis nécessaires.
Les faits
Vers la fin de l’année 2012, la SQI émet un appel d’offres pour l’installation et la fourniture des portes, cadres et la quincaillerie architecturale dans le cadre du projet de construction d’un nouvel établissement de détention à Roberval.
ARJ répond à cet appel d’offres et dépose une soumission au montant de 4 815 000 $. À l’ouverture des soumissions, ARJ se classe au second rang. Elle est devancée de 30 000 $ par la société Donlox (1993) inc. (« Donlox »).
Le jour suivant l’ouverture des soumissions, ARJ fait parvenir une lettre à la SQI pour l’avertir que Donlox n’est pas titulaire d’un permis du Bureau de la sécurité privée (« BSP ») dans la catégorie serrurerie. Selon ARJ, ce permis est nécessaire pour exécuter le contrat en conformité avec les conditions d’admissibilité de l’appel d’offres. D’ailleurs, Donlox est la seule des soumissionnaires ayant répondu à l’appel d’offres qui ne possède pas un tel permis.
Après vérification auprès du BSP, la SQI est d’avis qu’un tel permis n’est pas requis et elle octroie le contrat à Donlox. Étant d’avis que le contrat aurait dû lui être octroyé, ARJ intente donc un recours contre la SQI afin de réclamer les dommages subis, lesquels s’élèvent à 1 137 662 $.
En défense, la SQI prétend que le permis du BSP n’était pas nécessaire et que même s’il l’était, il s’agissait d’une irrégularité mineure.
La décision
Pour déterminer si un permis délivré par le BSP est requis, le tribunal examine les dispositions de la Loi sur la sécurité privée (« LSP ») qui énonce les activités régies. Afin d’exercer une activité régie par la LSP, les intervenants doivent obligatoirement détenir un permis délivré par le BSP sous peine d’amendes.
L’une de ces activités est la pratique de serrurerie qui inclut notamment le cléage et l’installation de dispositifs mécaniques ou électroniques de verrouillage. Un permis d’agence de serrurerie du BSP est donc requis afin d’exécuter ce type de travaux.
Or, les documents d’appel d’offres prévoyaient que les travaux devant être exécutés comprenaient notamment ceux relatifs aux systèmes de cléage des portes et cadres en acier, en bois et en aluminium. De plus, des travaux d’installation de la quincaillerie, dont les serrures, étaient prévus. Suivant l’analyse de la LSP et des documents d’appel d’offres, le tribunal conclut que certains travaux requéraient que l’entrepreneur détienne un permis d’agence de serrurerie du BSP.
Considérant que la SQI exigeait dans ses documents d’appel d’offres, à titre de condition d’admissibilité, que les soumissionnaires détiennent notamment les permis nécessaires à l’exécution des travaux au moment du dépôt de leur soumission, le tribunal conclut que la soumission de Donlox aurait dû être rejetée et le contrat attribué à ARJ.
En effet, le tribunal considère que le défaut de détenir les permis nécessaires était une irrégularité majeure que la SQI ne pouvait pas écarter. Il n’était pas possible pour Donlox d’obtenir, après l’octroi du contrat, le permis du BSP, ni de sous-traiter les travaux régis par la LSP à une entreprise détenant le permis requis. Ainsi, la SQI fut condamnée à payer à ARJ la somme de 1 137 662 $.
Conclusion
Cette décision illustre l’importance pour les soumissionnaires de s’assurer de détenir tous les permis requis à l’exécution de leurs travaux. Lorsque les documents d’appel d’offres contiennent des conditions de conformité, le défaut de respecter l’une de ces conditions devrait entraîner le rejet automatique de leur soumission. Un soumissionnaire non conforme ne pourra pas chercher à obtenir le contrat pour ensuite le sous-traiter à une entreprise qualifiée.
1 Agences Robert Janvier ltée c. Société québécoise des infrastructures, 2019 QCCS 46 (CanLII)
Pour toutes questions ou commentaires, vous pouvez joindre MeYann-Julien Chouinard par courriel auychouinard@millerthomson.com ou par téléphone au 514.871.5445.
Cet article est paru dans l’édition du 21 février 2019 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.