Les auditions publiques sur le projet de loi 33, tenues par la Commission de l'économie et du travail, se poursuivaient hier. Compte rendu des plus récentes positions émises par les organisations de l’industrie.
Alors qu’il présentait son mémoire lors des audiences publiques, mardi, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction-International (CPQMCI) a affirmé son opposition à l’ensemble du projet de loi. Notamment, ce dernier met fin au paritarisme ayant assuré un climat de travail serein dans l’industrie ces 25 dernières années, a soutenu le Conseil. De plus, selon le CPQMCI, ce projet de loi réduira les possibilités des travailleurs et employeurs de décider de leurs relations de travail, en plus d’augmenter la bureaucratie dans la construction et de judiciariser davantage les relations de travail par des recours inopportuns devant la Commission des relations du travail (CRT). Enfin, précisant que sa structure de métiers et d'occupations, composée de 28 sections locales, répondait avec compétence et pertinence aux besoins de main-d'œuvre des employeurs, le Conseil a laissé savoir qu’à son avis, « l'élimination du placement syndical entraînera un risque important en regard de l'efficacité économique des grands chantiers du Québec et privera des milliers de travailleurs d'emplois à l'extérieur du Québec auxquels ils ont accès grâce à ce canal ».
Donald Fortin, directeur général du CPQMCI, a demandé à la ministre Thériault de surseoir l’adoption du projet de loi 33 et de réunir les associations syndicales et patronales pour discuter de cette réforme et trouver ensemble des solutions durables aux problèmes identifiés.
Mercredi, l’Association de la construction du Québec (ACQ) manifestait, quant à elle, sa satisfaction de voir les activités reprendre sur les chantiers. Selon elle, les mises en demeure envoyées récemment ainsi que les plaintes des entrepreneurs déposées auprès de la CCQ ont porté fruits. L’ACQ a aussi fait connaître son intention de démontrer la nécessité d’abolir le placement syndical, « seule solution viable pour changer les rapports de force », et d’appuyer la proposition du service de référence de la main-d’œuvre, devant la commission parlementaire ce jeudi, à 17 h.
Même son de cloche de la part de la CSN-Construction, qui voit comme un « grand progrès pour tous les travailleurs » la fin du placement syndical, selon les propos d’Aldo Miguel Paolinelli, président de l’organisation. La CSN-Construction considère que le projet de loi 33 contient des améliorations notables pour les salariés de l’industrie puisque, notamment, les syndicats devront revenir à leur mission première, celle de défendre les droits des travailleurs et de lutter contre toute discrimination. Elle a également demandé aux parlementaires de ne pas céder à l’intimidation, qui constitue, de leur avis, « un dérapage issu du système intolérable qu'il faut combattre et qui repose en bonne partie sur le placement syndical ».
Jeudi, la CSN-Construction présentera sa position en commission parlementaire. Elle se positionnera aussi à l'égard de certains aspects du projet de loi 33 qui méritent à son avis d'être améliorés, notamment en ce qui a trait aux dispositions visant les négociations collectives.
Par ailleurs, mercredi après-midi, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et la FTQ-Construction déposaient à leur tour leur mémoire, se disant d'entrée de jeu en « mode solution » et affirmant le souhait de trouver « une issue satisfaisante » afin d'améliorer le fonctionnement de l'industrie, notamment celui du placement syndical.
« On a une industrie florissante, des relations de travail qui ont assuré la paix industrielle depuis près de 30 ans, une main-d'œuvre chevronnée et formée avec l'aide des programmes de formation négociés entre les parties, une main-d'œuvre des plus productives, compétente et demandée à travers le monde. Et tout ça, administré au sein d'une CCQ fonctionnant de mieux en mieux et connue pour ses valeurs de paritarisme. Avec ce projet de loi, c'est tout ça qu'on va mettre à terre. On vire tout à l'envers, au risque d'aboutir dans une situation où la CCQ se discréditera complètement », a déclaré le président de la FTQ. Faisant appel à la vigilance des députés face aux anecdotes pouvant être racontées en huis clos, faisant alors référence aux récents événements concernant des femmes de l'industrie qui auraient été blessées, Arnold Guérin a ensuite affirmé que « le placement syndical n'est pas le monstre qu'on nous présente ». La Fédération s'est dite prête à regarder comment améliorer le placement syndical, « en respectant une gestion humaine et responsable ».
Concernant la représentation proportionnelle au CA de la CCQ et à divers comités et la règle du « 50 % + 1 » qui prévaut lors de la ratification des conventions collectives, la Fédération a dit les considérer comme un déni des règles démocratiques élémentaires. Faisant allusion au fonds de formation dont la CCQ serait en charge, la Fédération a affirmé son désaccord. Notons enfin que le mémoire de la centrale et de la FTQ-Construction comprend des recommandations sur le placement syndical, la gouvernance, le processus de négociation, les fonds de formation et d'indemnisation, les dispositions du Code du travail, la publication des états financiers et les juridictions de métiers et occupations.
Du côté du Conseil du patronat du Québec, qui déposait hier son mémoire devant la commission, le projet de loi 33, qu’il juge ambitieux, pourrait aller encore plus loin. Réitérant son appui aux orientations générales de celui-ci, le Conseil a toutefois invité la ministre Thériault à s’attaquer, notamment, à la syndicalisation obligatoire, au rôle des délégués de chantiers et au cloisonnement des métiers. Le Conseil s’est en effet montré déçu du silence de ce projet de loi concernant, notamment, le fait que les entrepreneurs ne puissent embaucher des travailleurs syndiqués, limitant ainsi la possibilité de concurrence. Il a aussi jugé essentiel de réviser en profondeur le cloisonnement de juridiction des métiers et professions réglementés dans le but de favoriser une plus grande polyvalence et de mettre un terme à la mainmise de monopoles syndicaux sur certains métiers.
Déplorant les tentatives d’intimidation et les arrêts de travail illégaux survenus récemment, de même que les coûts élevés entraînés par ceux-ci, le Conseil a encouragé les donneurs d’ouvrage, entrepreneurs et travailleurs touchés à porter plainte. Saluant le courage et la détermination de la ministre devant les pressions, le Conseil « encourage le gouvernement à profiter du large consensus social en faveur de la nécessité de réformes dans le secteur de la construction pour poser des gestes avec des répercussions positives encore plus durables pour la prospérité du Québec ». Le Conseil a dit accueillir favorablement l’idée du système de référence géré par la CCQ, à condition qu’il permette effectivement et réellement l’élimination du placement syndical. Il a aussi dit apprécier le fait que les donneurs d’ouvrage auraient leur mot à dire dans le processus de négociation pour le renouvellement des conventions collectives.
Sources : CPQMCI, ACQ, CSN-Construction, FTQ et FTQ-Construction, Conseil du patronat du Québec