Marché de l’habitation : Prudence et clairvoyance sont de mise

Par Jean Garon

C’est sous le thème Cibler l’essentiel que les experts de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) ont récemment présenté leurs analyses de l’état du marché immobilier québécois et leurs prévisions pour les prochaines années. Cibler l’essentiel est une façon de se concentrer sur les éléments les plus importants susceptibles d’influencer l’offre et la demande de logements tout en tenant compte des facteurs de risque pouvant en affecter les prix.   

 

L'an dernier, la SCHL prévenait les constructeurs et promoteurs québécois qu’ils devraient vraisemblablement ralentir leur cadence de production de logements en 2014, surtout dans le segment de la copropriété. Du moins, le temps que les stocks de logements non écoulés, achevés et en construction diminuent et que l’économie reprenne de la vigueur. Ses analystes estimaient que l’important creux des mises en chantier résidentielles, atteint en 2013, résultait du ralentissement économique progressif des dernières années et d’un ajustement des marchés de l’habitation à la création de nouveaux ménages. Les résultats de 2014 corroborent ces prévisions et incitent plus que jamais à la prudence et à la clairvoyance pour les deux prochaines années. 

 

En résumé, les acteurs du marché immobilier résidentiel doivent s’attendre à ce que la faible croissance économique au Québec au cours des deux prochaines années (moins de 2 %) entraînera une faible croissance équivalente de l’emploi. Cette faible croissance combinée avec une légère hausse des taux hypothécaires (fourchette de 0,25 à 1,60 % pour un terme d’un an) et avec un ralentissement éminent du rythme de formation des ménages (33 000 en moyenne par année entre 2016 et 2021), concourra au soutien modéré de la demande d’habitations. Cela se manifestera plus spécifiquement dans le segment des logements collectifs où la SCHL prévoit la stabilité du nombre de mises en chantier autour de 25 000 unités.

 

Même chose du côté du marché locatif qui, après avoir encaissé une phase de détente, affichera des taux d’inoccupation stables se situant entre 2,5 et 3,3 % dans les régions métropolitaines de recensement (RMR) de Montréal, Québec et Saguenay, et entre 4,7 et 6,5 % dans les RMR de Gatineau, Sherbrooke et Trois-Rivières.

 

Plus concrètement, l’économiste Kevin Hughes a annoncé que la province terminerait l’année 2014 avec une production d’environ 38 200 unités de logement. Pour lui, il n’y a pas lieu d’être trop optimiste pour l’avenir, puisqu’il s’attend à une faible augmentation des mises en chantier résidentielles qui ne dépasseraient pas 39 000 et 40 100 unités respectivement en 2015 et 2016. Il appuie ses prévisions sur une faible relance graduelle de la croissance économique du Québec au cours des deux prochaines années et sur un léger resserrement du marché de la revente qui contribuera à soutenir les mises en chantier de logements neufs.

 

« Malgré une légère remontée de la demande, explique-t-il, une offre soutenue de logements neufs maintiendra la croissance des prix à un rythme modeste. » Il en va de même pour les prix des logements existants, dont la croissance serait inférieure à 2 % au cours des deux prochaines années à l’échelle de la province.

 

L’évolution des prix est un bon indice pour mesurer l’état des marchés de l’offre et de la demande. Notons à ce propos que les économistes de la SCHL ont ajouté cette année un nouveau cadre d’analyse et d’évaluation des prix de logements (AEPL) pour évaluer la conjoncture du marché de l’habitation en tenant compte des facteurs économiques, financiers et démographiques qui l’influencent.

 

À Montréal et à Québec, par exemple, le risque de surévaluation de la valeur des propriétés reflète un ralentissement de la croissance du groupe des personnes âgées de 25 à 35 ans observé depuis 2012, ainsi que le fait que le rythme d’augmentation du revenu personnel disponible ne suive pas celui des prix des logements depuis le début des années 2000. Le nombre croissant de logements achevés et non écoulés dans ces marchés indiquerait par ailleurs que les stocks doivent être gérés de façon plus serrée afin d’éviter des impacts négatifs sur les prix en raison d’une construction excessive d’unités (offre excédant trop la demande).

 

Le segment de la copropriété est particulièrement dans la mire des analystes cette année, surtout dans la RMR de Montréal où le nombre d’unités inoccupées continue d’augmenter alors que la demande est moins soutenue en raison de la concurrence du marché de la revente, de la croissance limitée des jeunes ménages et des nouvelles règles hypothécaires plus contraignantes. Selon l’analyste David L’Heureux, « le marché de la copropriété demeurera favorable aux acheteurs, et la progression du prix moyen sera relativement faible (1 % par année) ». Il ajoute que plus de 35 % des copropriétés sont maintenant vendues dans un délai supérieur à quatre mois.

 

À plus long terme, un fait marquant demeure, note l’économiste Hughes : « Le vieillissement démographique aura très bientôt d’importants impacts sur l’offre et la demande d’habitations visant les ménages de 75 ans et plus, un groupe d’âge dont la population est sur le point d’augmenter plus rapidement au Québec. Bien que la croissance démographique continue de se concentrer dans les centres urbains, il faudra tenir compte du fait que les personnes âgées ne déménagent généralement pas très loin de leur dernier lieu de résidence. »

 


Cet article est paru dans l’édition du jeudi 4 décembre du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !