L’installation d’un collecteur sanitaire par microtunnelier a été réalisée avec succès l’an dernier à Montréal. Une méthode très rarement utilisée au Québec.
L’ouvrage commandé par la Ville de Montréal consistait à concevoir et à construire un collecteur sanitaire de 1 200 millimètres (mm) de diamètre sur une longueur approximative de 550 mètres sous la rue Ottawa, entre les rues du Séminaire et Dalhousie, incluant l’installation de six regards d’égouts aux intersections des rues transversales. La conduite devait être installée avec une pente moyenne de 0,25 pourcent (%) à une profondeur de sept à huit mètres.
La construction du nouveau collecteur visait deux objectifs. Dans un premier temps, elle visait le rehaussement des infrastructures existantes et nouvelles pour répondre à l’accroissement démographique du secteur Griffintown en interceptant les nouvelles conduites du réseau d’égout sanitaire. Dans un deuxième temps, elle permettait de desservir les deux bassins de rétention en construction dans le secteur de l’ilot Saint-Thomas et de la rue William afin de réduire la fréquence et le volume des eaux usées non traitées rejetées dans le fleuve Saint-Laurent.
La firme AXOR Experts-Conseils (AEC) a été mandatée pour la préparation des études techniques et des plans et devis de l’ouvrage ainsi que pour la surveillance des travaux. « Ç’a été un bon défi, car c’était une première pour nous », reconnait Maxime Bourgoing, l’ingénieur qui a agi à titre de chargé du projet pour AEC.
L’entreprise a dû faire appel à des experts avant et pendant les travaux, en s’inspirant de réalisations européennes. Elle a notamment commandé une étude géotechnique préliminaire à la firme ABS pour caractériser le sol où le nouveau collecteur devait être installé. Elle a aussi retenu l’expertise en travaux d’ingénierie sans tranchée de la firme Noex pour qu’elle évalue les méthodes de forage et de microtunnelage et qu’elle fournisse ses conseils pendant l’exécution des travaux.
La meilleure méthode
Une étude comparative a d’abord été effectuée afin de déterminer quelle serait la meilleure méthode (forage dirigé, microtunnelier ou tube pilote microtunnelier) pour réaliser les travaux sans tranchée, tel que le requérait par la Ville. Compte tenu de la caractérisation du sol à forer (sol meuble avec présence de gravier, cailloux et blocs), de l’écoulement gravitaire nécessaire pour le collecteur et du souci de minimiser les impacts des travaux dans le secteur concerné, c’est la technique du microtunnelier qui a été jugée la mieux adaptée. Et ce, même si celle-ci s’avérait la moins productive des trois et la plus onéreuse. « Elle s’est avérée aussi la meilleure solution en limitant l’emprise des travaux à une entrave d’à peine ±35 mètres, tant pour la construction des puits de poussée du microtunnelier que pour la pose des regards aux intersections, souligne Maxime Bourgoing. »
C’est Construction Bau-Val qui a obtenu le mandat d’exécuter ces travaux spécialisés. L’entreprise a cependant elle-même confié en sous-traitance les travaux de microtunnelage à la firme irlandaise Ward and Burke Microtunnelling, laquelle est qualifiée dans ce type de réalisation. Cette dernière a utilisé un microtunnelier Herrenknecht d’origine allemande, un des trois seuls fabricants au monde pour ce type d’équipement.
Opération chirurgicale
Le projet a pu être réalisé avec seulement un puits d’accès à chaque extrémité du tronçon d’un demi-kilomètre. Installée au fond du puits d’accès de départ à la profondeur voulue à partir de la rue Dalhousie et alignée sur le tracé à parcourir sous la rue Ottawa, la tête du microtunnelier a pu ainsi forer le sol jusqu’à l’autre extrémité en installant au fur et à mesure les tuyaux de béton armé de 2,4 m de longueur à l’aide de deux vérins de poussée.
Les travaux de microtunnelage ont été exécutés en utilisant une boue d’argile (bentonite) pompée par la tête du microtunnelier. L’opération servait à diluer les matériaux découpés lors du forage, lesquels étaient ensuite évacués du tunnel par pompage, puis traités à la surface pour en récupérer et recycler la bentonite. Celle-ci servait également à lubrifier les tuyaux pour faciliter leur mise en place dans le tunnel.
Chaque tuyau était raccordé l’un à l’autre dans une gaine d’acier située à l’une de ses extrémités et pourvue d’un joint d’étanchéité en caoutchouc. Compte tenu de la distance à parcourir, il a quand même fallu prévoir trois stations intermédiaires (interjack) en assurant la poussée des tuyaux à l’aide de vérins plus petits installés à l’intérieur des tuyaux. Pour imager le processus, l’ingénieur évoque le mode de déplacement d’une chenille : « Cela a permis d’éviter une trop grande pression qui aurait pu endommager les tuyaux. »
Prouesse technique
Non seulement la méthode du microtunnelier s’est avérée novatrice pour répondre aux contraintes du secteur, mais elle a été l’occasion de réaliser une prouesse technique. En effet, l’interception imprévue de tirants métalliques servant à l’ancrage d’un ancien mur berlinois a contraint les ingénieurs à modifier la trajectoire du collecteur. L’emmêlement de la tête foreuse du microtunnelier dans ces tirants d’acier a nécessité l’interruption des travaux pour la dégager par hydroexcavation et pour reprendre une partie de la conception en effectuant préalablement un nouvel arpentage du tracé.
La solution mise en place par l’équipe de projet a consisté à dévier le tracé initial en imputant deux courbes de 300 et de 250 mètres de rayon à 60 mètres du puits de poussée et en changeant la pente gravitaire à 0,34 % afin d’éviter d’autres tirants potentiels lors du forage. La stratégie a fonctionné avec pour résultat que le nouveau collecteur suit une trajectoire en S sous la rue Ottawa, et ce, sans compromettre l’étanchéité des joints des tuyaux, comme l’ont confirmé l’inspection par caméra des joints à l’intérieur de la conduite et les tests de pression effectués après les travaux. Malgré la complexité de certaines manoeuvres et les imprévus de parcours, l’ouvrage est tout de même conforme aux normes québécoises en vigueur, en plus d’avoir été réalisé en respectant globalement le budget et en ne dépassant que de dix jours le délai de livraison. N’eut été du problème des tirants rencontré par le microtunnelier, la livraison de l’ouvrage aurait été sans doute devancée de plusieurs semaines.
Avec du recul, Maxime Bourgoing croit que la méthode de microtunnelage pourrait bien instituer une nouvelle pratique de construction et de réfection d’infrastructures en milieu urbain au Québec, en évitant les impacts environnementaux d’une tranchée. Il ne cache pas que son entreprise la recommande désormais quand la situation s’y prête pour les clients. « C’est sûr que ça représente de gros travaux d’aller remplacer un égout ou un collecteur à sept ou huit mètres de profondeur sans ouvrir la rue, témoigne-t-il. Mais ça procure aussi un gain environnemental appréciable. » Cette initiative leur donnera peut-être raison, puisque la firme a été récompensée aux derniers Grands Prix du génie-conseil québécois dans la catégorie relative aux infrastructures urbaines.
- Limitation du bruit pouvant affecter la qualité de vie des résidents;
- Maintien de la circulation en réduisant les entraves dans le quartier;
- Absence de contretemps ou de retards au chantier causés par les intempéries;
- Optimisation de la sécurité pour les travailleurs sur le chantier;
- Maitrise des tassements de surface en évitant les travaux en tranchée;
- Réduction des couts indirects de tranchée et de remise en état des rues;
- Précision du forage de la tête du microtunnelier amovible sur trois plans;
- Réduction importante d’émanations polluantes par les équipements et la machinerie;
- Contrôle et minimisation de la quantité de déblais et de traitements de sols contaminés.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Infrastructures et grands travaux 2019. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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