Le Fat Truck, pour sortir des sentiers battus

10 juin 2019
Par Marie Gagnon

Une start-up bromontoise signe un premier tout-terrain industriel destiné au transport de matériel et de personnes en conditions difficiles.

Grâce à ses roues surdimensionnées, le tout nouveau véhicule hors route Fat Truck fait fi des obstacles qui se dressent sur son chemin. Eau, boue, glace ou reliefs accidentés, il mène le matériel et les personnes à destination, en toute saison et quelles que soient les conditions de site. Offert en trois modèles, il peut transporter jusqu’à huit passagers ou une charge utile de 1 000 kilogrammes. Et il est conçu et assemblé à Bromont par Zeal Motor, une nouvelle entreprise fondée en 2018 par Benoit Marleau, Amine Khimjee et Maxim O’Shaughessy.

 

Un peu d’histoire

L’idée de concevoir un véhicule industriel à roues surdimensionnées a commencé à germer lorsque leur employeur, un fabricant de véhicules spécialisés sur chenilles, leur a demandé d’explorer les occasions de marché pour un véhicule hors route. Leurs recherches ont permis de dégager trois solutions pour le transport des gens et du matériel – l’autobus, la camionnette et les véhicules à chenilles –, mais aucune n’était parfaitement adaptée à des conditions de site extrêmes.

 

Amine Khimjee, vice-président Ventes et marketing chez Zeal Motor.  Photo de Julie Catudal

 

« En fait, seuls les véhicules à chenilles étaient conçus pour faire face à de telles conditions, mais encore ce n’est pas l’idéal, parce que ces véhicules sont lourds, ils ont beaucoup de pièces mobiles et ils se vendent très cher, entre 300 000 et 400 000 dollars, indique Amine Khimjee, vice-président Ventes et marketing chez Zeal Motor. On a plutôt recommandé un véhicule sur roues géantes à basse pression, mais notre suggestion a été écartée. On a donc décidé de faire le saut et d’exploiter ce filon. »

 

Un concept unique

Il précise que les roues surdimensionnées sont apparues lors de la Seconde Guerre mondiale, mais qu’elles n’avaient jamais jusqu’ici chaussé un véhicule industriel de ce gabarit. Celles du Fat Truck ont 5 pieds et 5 pouces de hauteur et la pression de gonflage des pneus peut varier de 1,5 à 5 psi selon le mode de conduite. À titre de comparaison, la pression d’un pied humain au sol est de 10 psi et celle d’un véhicule à chenille se situe entre 4 et 7 psi. À pleine charge, la pression exercée au sol par le Fat Truck est de seulement 1,6 psi. Son impact environnemental est donc très faible.

 

Amine Khimjee, Benoit Marleau et Maxim O’Shaughessy, cofondateurs de l'entreprise Zeal Motor.  Photo de Julie Catudal

 

« En mode Neige, la pression est réglée à son plus faible niveau et le pneu s’écrase au sol, un peu comme une raquette, ce qui lui évite de s’enfoncer dans la neige, illustre Amine Khimjee. En mode Eau, la pression est au maximum, ce qui améliore sa flottabilité. » Car le Fat Truck flotte. Et même sans ses roues géantes qui offrent chacune 2 000 livres de flottaison. Le secret : un châssis entièrement scellé et parfaitement étanche.

 

Cette conception unique permet au Fat Truck d’arpenter tous les types de sol, du plus boueux au plus accidenté, et de se frayer un chemin à travers l’eau et la glace. Un avantage pour les premiers répondants appelés sur les lieux d’un sinistre ou affectés à une opération de sauvetage. Il s’avère également indispensable dans les secteurs des mines, de l’éolien, des télécommunications et du transport de l’énergie, qu’il s’agisse d’oléoducs, de gazoducs ou de lignes électriques. Bref, dans tous les lieux difficiles d’accès en raison des conditions particulières du site.

 

Trois déclinaisons

Comme le rappelle Amine Khimjee, la fonction première du Fat Truck reste le transport des personnes et du matériel au chantier. C’est pourquoi Zeal Motor le propose en trois déclinaisons. Le 2.8C se présente avec une cabine fermée offrant une vision panoramique et pouvant accueillir jusqu’à huit passagers. En cas de renversement, sa cage antiretournement certifiée ROPS ISO 3471 protège les occupants.

 

Les deux autres modèles sont plutôt destinés au transport de matériel. Le 2.8P est en fait une camionnette tout-terrain avec une boite de chargement pouvant contenir une charge utile de 1 000 kilos. Le 2.2B répond aux mêmes besoins, sauf qu’avec sa boite de chargement basculante, il a plutôt la fonction d’un camion-benne. Quel que soit le modèle, tous les véhicules sont équipés d’un moteur diesel Caterpillar offrant une autonomie de dix heures, ou deux jours de travail, lorsqu’ils sont à pleine capacité.

 

Le Fat Truck se pilote en outre au moyen d’un simple levier et sa transmission automatique, contrairement à une transmission manuelle, ne peut caler dans une pente ascendante, en plus de procurer des changements de vitesse fluides et sans à-coups. Le véhicule peut ainsi atteindre une vitesse maximale de 40 kilomètres/heure (km/h), sauf dans l’eau, où il avancera à 6 km/h au maximum. Enfin, son interface utilisateur intuitive facilite le réglage des différentes options du véhicule.

 

Un marché prometteur

« On comprend que ce n’est pas un véhicule pour monsieur et madame Tout-le-Monde, note le gestionnaire. C’est un tout-terrain, certes, mais il est avant tout destiné au transport hors route. » Comparativement aux autres véhicules du genre offerts sur le marché, il demeure abordable avec un prix de base de 125 000 USD. Selon les options choisies, comme l’ajout d’un treuil, d’un attelage de remorque, d’une radio Bluetooth ou d’une caméra de recul, le prix moyen tournera plutôt autour de 145 000 USD.

 

Les trente premiers Fat Truck ont d’ailleurs été mis en production len avril 2019, à l’ancienne usine de Hyundai de Bromont. Trente autres seront assemblés au cours de l’été. La capacité de production de l’usine de Zeal Motor est de 500 véhicules par année. Leur distribution sera assurée par un réseau de concessionnaires, qui reste à développer, à travers l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Australie. Près de 80 pour cent des véhicules seront destinés au marché américain.

 

« Le lancement officiel a eu lieu au début de février et, déjà, nous avons des commandes fermes, souligne Amine Khimjee. Il nous reste à faire des tests de fiabilité et des démonstrations commerciales sur site, avant de remplir nos premières commandes. On veut aussi continuer à innover et développer un petit ou un grand frère du Fat Truck. » Si ces espoirs se concrétisent, gageons que le Fat Truck sera bientôt à l’étroit dans son usine de 15 000 pieds carrés.

 

UN LEVIER, QUATRE MODES DE CONDUITE

Dirigé au moyen d’un simple levier de commande, le Fat Truck propose quatre modes de conduite : Eau, Boue, Neige et Sentier. Selon le mode choisi, le système de gonflage des pneus se règle automatiquement. Par exemple, lorsque le camion circule dans la boue, il suffit d’enclencher un bouton du levier de commande pour que les pneus se dégonflent aussitôt afin d’offrir une traction optimale. Dans l’eau, un autre bouton gonflera les pneus au maximum, permettant au véhicule de flotter. À noter que le gonflage est fait par air frais et non par gaz d’échappement, ce qui rend le véhicule encore plus sécuritaire pour ses usagers.