Deux entreprises québécoises proposent des systèmes de sécurité pour aviser les conducteurs de poids lourds lorsque leur benne est relevée.
Le 4 avril 2018, la benne d’un tracteur semi-remorque percutait une passerelle piétonnière surplombant l’autoroute 40 Est, à la hauteur de Repentigny. La benne déployée accidentellement s’est encastrée dans la structure du pont, qui a aussitôt été démantelé afin d’assurer la sécurité des usagers. Loin d’être un cas isolé, cet incident aurait pu être évité grâce à un système de sécurité embarqué.
C’est du moins l’opinion de Normand Couture, directeur des ventes chez Batteries & Cie, une entreprise de Lévis qui a mis au point un avertisseur sonore visant à signaler au conducteur que la benne de son poids lourd n’est pas en position sécuritaire, lorsque son véhicule est en déplacement. « Des accidents impliquant des bennes relevées, ça arrive cinq ou six fois par année, avance-t-il.
« On l’a vu l’an dernier au pont Mercier, quand la benne d’un camion de déneigement a heurté la structure du pont, illustre-t-il. Mais en général, c’est surtout à la sortie d’un chantier que ce genre d’accident se produit. Les gens oublient d’abaisser la benne et c’est le réseau de fils aériens qui est arraché. Dans un cas comme dans l’autre, l’opérateur comme le propriétaire du camion s’exposent à des poursuites, et la facture peut grimper rapidement. »
Attirer l’attention
Pour prévenir ces accidents aux conséquences souvent dramatiques, Normand Couture a imaginé une gamme d’avertisseurs sonores, dont l’ACB-100, commercialisé depuis deux ans. Ce système déclenche une alarme sonore lorsque la benne est relevée et que le véhicule se déplace à plus de 15 kilomètres à l’heure. Entièrement autonome, il peut être installé sur n’importe quel camion et même se brancher sur l’interface OBD-2 (On-Board Diagnostic) du véhicule.
« C’est facile d’ajouter un détecteur sur l’OBD-2, mais je ne voulais pas m’en servir parce que les vieux camions n’en ont pas et qu’il n’y a pas encore de standard pour les véhicules lourds, indique Normand Couture. J’ai plutôt utilisé les sondes ABS des roues et j’ai installé le même type de sonde sur la boîte. Le système est donc parfaitement indépendant et aucun interrupteur ne peut le désactiver. La seule façon de l’arrêter, c’est de réduire la vitesse ou d’abaisser la benne. »
Développé par STL Lubrifiants, le système de sécurité Sentinel 1.0 fonctionne de manière analogue, mais à une différence près : il avertit aussi l’opérateur lorsque la pompe PTO (Power Take-Off) est activée.
« La pompe PTO permet à la benne de se relever, explique Marc Croussette, responsable de la recherche et du développement pour l’entreprise du Lac-Saint-Jean. Parfois, c’est un bris mécanique qui empêche son fonctionnement normal. Ça peut aussi être une distraction de la part de l’opérateur : il abaisse la benne, mais oublie de désengager la pompe. »
Que la benne soit relevée ou que la pompe PTO soit enclenchée, le Sentinel 1.0 émet à la fois un signal visuel (ampoules DEL clignotantes) et une alarme sonore dès que le camion se met en marche. Pour le désamorcer, l’opérateur doit nécessairement appliquer le frein d’urgence ou appuyer sur la pédale de frein.
Poser des limites
En mai, STL Lubrifiants mettra en marché le Sentinel 2.0, un système qui prévient le renversement des remorques et camions-bennes. Doté de deux capteurs d’angle, un sur le châssis du véhicule, l’autre sur la benne, et relié à un écran-ordinateur installé dans l’habitacle, il avertit l’opérateur au moyen d’un signal visuel et sonore que la benne a atteint sa hauteur maximale. Il serait en phase d’essai sur un camion depuis l’an dernier.
« L’idée nous est venue quand le camion d’un de nos clients, qui est dans le pavage, a accroché des lignes électriques avec sa benne relevée, rapporte Marc Croussette. Mais c’est utile aussi pour les semi-remorques, dont les bennes ont parfois jusqu’à 40 pieds de long. Pour les déployer complètement, les chauffeurs doivent se mettre face au vent, sinon elles risquent de se renverser. D’où l’idée d’utiliser des capteurs bidimensionnels, qui indiquent à la fois la hauteur de la benne et son degré d’inclinaison. »
Utiliser la contrainte
Bien que leur efficacité soit démontrée, les solutions offertes par ces deux entreprises québécoises connaissent jusqu’ici une popularité limitée. La donne pourrait toutefois changer avec la prochaine révision du Code de la sécurité routière.
« Tant que ces systèmes ne seront pas obligatoires, la demande ne sera pas là, martèle Normand Couture. Le problème, c’est que 95 % des propriétaires de camions-bennes sont des artisans qui ne possèdent qu’un ou deux camions. Pour eux, ça représente une dépense énorme et il n’y a aucun incitatif à l’heure actuelle. Certains assureurs peuvent offrir une réduction de prime, mais pas tous.
« Pourtant, ces solutions offrent un potentiel d’économies énorme, ne serait-ce qu’en termes de réparations, poursuit-il. Et c’est sans compter les pertes de revenus pendant la remise en état. Dans l’accident de Repentigny, le chauffeur s’en est tiré, mais il aurait pu se tuer ou tuer d’autres usagers de la route. Tout compte fait, ce n’est pas si cher payé pour avoir la paix. »
Cet article est tiré du Supplément thématique – Équipement de chantier . Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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