Réagissant à l'émission Enquête diffusée hier soir, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), qui représente plus de 70 % des employés municipaux, se réjouit qu'on ait informé la population des dangers de la privatisation et des PPP dans les villes grâce à l'exemple de l'aréna de Saint-Jérôme. Pour ce syndicat, les contribuables en ont toujours plus pour leur argent avec le travail des employés municipaux, qui rendent des services de qualité sans avoir à dégager des marges de profit.
La construction d'infrastructures, notamment des arénas, en partenariat public-privé (PPP) est un piège dénoncé depuis des années par le SCFP, que les révélations de Radio-Canada viennent confirmer avec le cas précis de Saint-Jérôme. « Sous-traitance, privatisation ou PPP, ce sont des portes ouvertes au patronage, à la collusion ou aux cadeaux aux amis du régime, rappelle Lucie Levasseur, présidente du SCFP-Québec. Les scandales abondent, les soupçons se confirment, les rapports des vérificateurs généraux sont éloquents. »
Certaines municipalités du Québec ont eu recours aux PPP pour la construction d'arénas ou de centres sportifs et le constat est affligeant, selon le SCFP. « En général, le recours au privé pour les services publics n'est jamais une bonne idée d'un point de vue économique. Que ce soit pour la gestion de l'eau ou pour celle des ordures, le contribuable sera toujours mieux servi avec le public », explique Pierre-Guy Sylvestre, économiste au SCFP. Selon lui, les exemples en ce sens abondent depuis quelques années.
Récemment, la Ville de Beloeil a voulu construire un centre sportif en PPP. L'une des raisons avancées par la directrice générale de la Ville pour justifier le projet était d'éviter l'ouverture du registre municipal qui aurait permis aux citoyens de s'y opposer. Les citoyens ont néanmoins pu s'exprimer et la municipalité a fait marche arrière mais, pour le SCFP, c'est un bon exemple que les PPP sont une entrave à la bonne gouvernance.
À Sherbrooke, le groupe Axor a conçu un centre multisport inauguré en 2007, et qui présentait des défauts de conception. Par exemple, comme les drains installés sur le toit ne suffisaient pas à la tâche, on a eu recours aux employés municipaux pour les débloquer. Axor sera propriétaire du centre pour 40 ans ; difficile d'évaluer dans quel état il sera à la fin de la période. « En ce qui concerne le partage de risque, c'est de la poudre aux yeux. La Ville répare toujours les pots cassés et doit ensuite entreprendre de longues poursuites juridiques contre le consortium privé », se désole Lucie Levasseur.
Les citoyens paient plus cher
Au lieu d'accroître la concurrence, les PPP limitent le nombre d'entreprises à cause des exigences de financement et de la durée des ententes. Résultat : seuls les plus grands joueurs deviennent des partenaires privés, selon les observations du SCFP. « De plus, les contrats entre les différentes parties sont rarement complets. Il est difficile de tout prévoir et la rigidité des clauses ne permet aucune flexibilité. Une modification mineure dans la plomberie d'un aréna en PPP pourrait coûter plus cher en honoraires d'avocats qu'en main-d'œuvre, et ce, au détriment des contribuables », souligne Pierre-Guy Sylvestre. Enfin, le SCFP rappelle que financement privé a toujours été plus coûteux que le financement public, et que la récente crise financière n'a fait qu'agrandir cet écart.
Pour le plus important syndicat du secteur municipal au Québec, la privatisation des services publics se fait inévitablement au détriment des contribuables québécois. Le scandale des compteurs d'eau à Montréal est éloquent à cet égard, de même que le plaidoyer de culpabilité d'un entrepreneur de Québec dans l'attribution d’un contrat de remplacement de feux de circulation. D'autre part, le vérificateur général de Montréal a souligné que la Ville s'était départie d'une expertise interne précieuse et qu'elle n'était plus en mesure de faire contrepoids à l'entreprise privée. Une tendance dangereuse pour la protection des intérêts de l'ensemble de la population.
« La démonstration est limpide, le privé coûte plus cher et augmente sensiblement les risques de magouillage et de collusion. D'un point de vue économique, les avantages du recours à la sous-traitance sont loin d'être établis », soutient l'économiste du SCFP. « Il est grand temps de reprendre le contrôle de nos villes et de nos fonds publics. Les municipalités doivent assumer, en toute transparence, leur mission et leurs responsabilités », de conclure la présidente du SCFP-Québec.
Source : SCFP-Québec