[Au tribunal] Appel d’offres : (Contrat « A »), l’obligation de signer le contrat de construction (Contrat « B »)

10 septembre 2019

L’arrêt de la Cour d’appel Excavations H. St-Pierre inc. c. Municipalité de Saint-Pierre-de-Broughton [1] offre une illustration récente des obligations contenues au Contrat « A », selon lequel les soumissionnaires, dans le cadre d’un appel d’offres public, sont tenus de garantir leur soumission pendant un délai déterminé et, le cas échéant, de signer le contrat de construction. 

Dans cette affaire, l’entrepreneur, Excavations H. St-Pierre inc. (« H. St-Pierre »), a refusé de signer un contrat de construction en raison des délais encourus depuis l’ouverture des soumissions, et parce que compte tenu de ces délais, l’exécution des travaux était irréalisable dans les circonstances.

 

Cette affaire concernait un appel d’offres émis le 19 mars 2014 par la Municipalité de Saint-Pierre-de-Broughton (« Broughton ») et qui visait notamment des travaux de mise aux normes d’infrastructures municipales d’eau potable et d’eaux usées. Le devis spécifiait que le projet devait être complété en continu et à l’intérieur d’un calendrier de 30 semaines. Des pénalités étaient prévues en cas de retards.

 

H. St-Pierre dépose une soumission, incluant un calendrier des travaux, précisant que ceux-ci devaient débuter dans la semaine du 2 juin 2014, afin qu’ils puissent être complétés avant la période hivernale.

 

L’ouverture des soumissions a lieu le 9 mai 2014. À cette occasion, H. St-Pierre est déclaré le soumissionnaire ayant présenté le plus bas prix. Par la suite, Broughton fait les démarches nécessaires afin d’obtenir les autorisations et approbations ministérielles requises pour procéder aux travaux. Elle reçoit les approbations à la fin juillet 2014, et convoque H. St-Pierre à une rencontre prévue le 4 aout 2014 afin de procéder à la signature du contrat.

 

Estimant qu’en raison de ces délais, il était devenu impossible d’exécuter les travaux selon le calendrier inclus dans sa soumission, et confronté à l’exigence de compléter les travaux en continu dans un délai de 30 semaines, l’entrepreneur refuse de signer le contrat. Devant ce refus, Broughton contracte alors avec le deuxième plus bas soumissionnaire, et intente un recours en dommages contre H. St-Pierre ainsi que sa caution, pour la différence de prix, soit 230 000 $.  

 

En première instance, l’honorable Marc St-Pierre de la Cour supérieure a fait droit à l’action de Broughton. Celui-ci a retenu que les documents d’appel d’offres prévoyaient expressément une clause particulière précisant que le soumissionnaire ne pouvait modifier ni retirer sa soumission pendant les 90 jours suivant la date limite de réception des soumissions, en l’occurrence, avant le 7 aout 2014. Ainsi, lorsque H. St-Pierre a été convoqué par Broughton le 4 aout 2014, les parties étaient encore dans les délais prévus aux documents d’appel d’offres. H. St-Pierre n’avait pas le choix; il devait s’exécuter.

 

Le Cour a retenu également que H. St-Pierre avait connaissance de l’obligation de maintenir sa soumission pendant 90 jours (i.e. jusqu’au mois d’aout 2014). La compagnie savait donc que les travaux pouvaient débuter au mois d’aout 2014, mais qu’ils devaient débuter au mois de juin 2014 pour pouvoir respecter l’échéancier. Dans les circonstances, la Cour a conclu que H. St-Pierre avait le choix de soumissionner et d’entreprendre les travaux au plus tard à la date d’expiration des 90 jours, si elle remportait l’appel d’offres, ou de ne pas soumissionner. La Cour a conclu qu’en soumissionnant sur ce projet H. St-Pierre a pris un risque, et l’entrepreneur doit porter la responsabilité des couts additionnels engendrés par son refus de signer le contrat.

 

H. St-Pierre a porté la décision en appel, mais la Cour d’appel a confirmé la décision de la Cour supérieure. Pour la Cour d’appel, l’entrepreneur semble avoir fait le pari que Broughton adjugerait le contrat avant le début de l’été, malgré le texte de certaines clauses de l’appel d’offres autorisant la Municipalité à le faire beaucoup plus tard. La Cour ajoute que l’entrepreneur aurait été mieux avisé de s’abstenir, ou encore de fixer un prix plus élevé afin de tenir compte des risques. L’appel de H. St-Pierre a ainsi été rejeté.

 

Il s’agit d’une illustration des principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ron Engineering, selon lequel, dans le cadre du Contrat « A », les soumissionnaires sont tenus de garantir leur soumission et, le cas échéant, de signer le contrat de construction, i.e. le Contrat « B ». 

 


1. 2019 QCCA 864 (CanLII).

 


Pour toutes questions ou commentaires, vous pouvez joindre Me Gerry Argento par courriel au  gargento@millerthomson.com ou par téléphone au 514 905-4227.

 

Miller Thomson avocats

 

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Cet article est paru dans l’édition du 1er août 2019 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous.