« Le ralentissement économique n'a pas anéanti les perspectives d'emploi au Québec. Il a plutôt fait ressortir les secteurs les plus stables et les besoins de relève prévus lors de la reprise. L'énergie et les technologies de l'information et des communications (TIC) se démarquent par leurs projections et leurs investissements importants. Le transport, la construction, la santé, l'assurance et les services financiers compteront aussi parmi les industries qui embaucheront le plus pendant les trois à cinq prochaines années, surtout en raison des départs à la retraite, ce qui confirme la tendance vers un bogue de 2012, moment pressenti où la population active, les 15-64 ans, va commencer à décroître de façon significative », a affirmé Patricia Richard, directrice générale des contenus pour Jobboom.com, à l'occasion du dévoilement de la 13e édition du Bilan des perspectives du marché du travail.
La conférence de presse marquait également le lancement de l'ouvrage Les carrières d'avenir 2010. L'événement s'est tenu à l'École des métiers du meuble de Montréal, en présence de Josée Bouchard, présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec ; Gaëtan Boucher, président-directeur général de la Fédération des cégeps ; Daniel Duranleau, commissaire et vice-président de la Commission scolaire de Montréal ; Monique Laurin, directrice générale, Collège Lionel-Groulx ; Josiane Moisan, vice-présidente Dotation, Relève et Carrière Desjardins, Mouvement Desjardins ; Gérald Guérin, directeur de l'École des métiers du meuble de Montréal, et Patricia Richard, directrice générale des contenus, Jobboom.com. Sam Hamad, ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale, était présent par l'entremise d'un message vidéo.
Le bogue de 2012 toujours en vue
« La marche vers ce que nous avons déjà appelé "le bogue de 2012" sera peut-être ralentie par la récession, mais ce que nous observons depuis près d'une décennie, tant d'un point de vue sectoriel que régional, confirme la tendance vers le manque, voire les pénuries de main-d'œuvre, certaines étant déjà bien identifiées. Ce phénomène va évidemment accentuer les difficultés déjà ressenties à former une relève suffisante, surtout dans certains secteurs de la formation professionnelle et technique », a commenté madame Richard.
130 000 emplois dans le secteur de l'énergie
Le domaine de l'énergie, poussé par les projets d'efficacité énergétique et de développement de sources d'énergie renouvelables mis de l'avant par le gouvernement du Québec, devrait créer 130 000 emplois d'ici à 2015, dont 31 000 uniquement pour l'énergie éolienne. Notons que ces prévisions incluent les besoins de main-d'œuvre pour la construction de plusieurs de ces projets. Hydro-Québec, où 1 000 employés quitteront la vie active chaque année jusqu'en 2012, prévoit aussi des embauches importantes. Le plan stratégique de la société d'État, déposé en 2009, inclut des investissements de 25 milliards $ sur cinq ans. Il devrait générer quelque 271 400 emplois directs et indirects.
60 000 emplois d'ici 2015 en TIC
Si la récession s'est fait sentir dans le secteur des technologies de l'information et des communications, elle a surtout eu pour effet d'amoindrir l'écart entre les offres d'emploi - qui croissaient depuis quelques années - et le nombre de diplômés, trop peu nombreux en comparaison. Ce déséquilibre pourrait toutefois réapparaître puisque les principaux acteurs de l'industrie des TIC se sont mobilisés pour créer 60 000 emplois d'ici 2015. Pour sa part, le secteur du jeu électronique devrait en avoir généré 900 d'ici juin 2010.
Or, les faibles cohortes des universités et des cégeps dans le domaine de l'informatique et du logiciel laissent entrevoir un important manque de main-d'œuvre. Par exemple, au Collège de Rosemont, à Montréal, de 20 à 30 étudiants du DEC Techniques de l'informatique obtiennent leur diplôme ; le service de placement de l'établissement reçoit de 8 à 10 offres de stages par étudiant. Les quelque 140 finissants de 2009 en génie logiciel, à l'École de technologie supérieure, ont pu consulter environ 8 offres d'emploi chacun.
Transport : 70 000 départs à la retraite
Confirmant les prévisions entendues depuis plusieurs années, les besoins de main-d'œuvre liés aux départs à la retraite s'annoncent globalement plus importants que la création d'emploi au Québec au cours de la prochaine décennie.
« Tous métiers confondus, l'industrie du transport aura besoin d'environ 70 000 nouveaux travailleurs d'ici 5 ans, uniquement pour remplacer les retraités. Et ce, malgré la diminution de 25 à 40 % du transport de marchandises manufacturées observé pendant la récession », illustre Patricia Richard.
Construction : 14 000 travailleurs par année
Dans ce secteur où le roulement de main-d'œuvre est élevé et les projets d'infrastructures sont nombreux, la Commission de la construction du Québec (CCQ) estime que 14 000 nouveaux travailleurs seront nécessaires chaque année d'ici 2013. Après une baisse de régime en 2009 dans la construction résidentielle (-7 % d'heures travaillées), la construction institutionnelle et commerciale (-6 %) et la construction industrielle (-12 %), la CCQ prévoit que la vapeur se renversera en 2010 avec des hausses de 1 à 5 % selon les sous-secteurs. Seul bilan positif de 2009, la construction liée au génie civil et à la voirie (+ 15 %) devrait poursuivre son ascension avec une augmentation de 7 % en 2010.
Santé : 13 000 à 22 000 embauches par année
Le domaine de la santé et des services sociaux vit le vieillissement de la population sur deux plans : d'abord, les patients sont plus nombreux et requièrent plus de soins, ce qui amènera la création de 37 000 nouveaux postes dans le réseau d'ici la fin de 2013, selon les données d'Emploi-Québec. « En même temps, les salariés expérimentés quittent le réseau en masse pour prendre leur retraite. En tout, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec embauchera de 13 000 à 22 000 personnes par an jusqu'en 2015 », ajoute Patricia Richard.
Assurances et services financiers : forte demande
En assurances et services financiers, d'un côté, les entreprises ont besoin de professionnels dans le domaine pour assurer leur croissance. De l'autre, les baby-boomers, nombreux à se retirer du marché du travail, veulent s'assurer, assurer leurs biens, faire des placements et planifier leur retraite. En assurance de dommages, par exemple, on estime que 1 680 postes d'agents, de courtiers, d'experts en sinistre et de souscripteurs devront être pourvus en 2010. Des occasions d'emploi s'ouvrent aussi pour des actuaires et des gestionnaires. La croissance du volume d'affaires des compagnies d'assurance et de services financiers génère aussi beaucoup d'emplois : uniquement dans la région de Québec-Lévis, 3 000 postes de cadres seront créés d'ici 2012.
Agriculture et transformation alimentaire
Ces secteurs ont été peu ébranlés par la récession. Les centres d'emploi agricole peinent à trouver des travailleurs pour pourvoir la moitié des postes affichés chez eux, si bien que l'industrie a eu recours à pas moins de 6 000 manœuvres étrangers en 2009. En transformation alimentaire, le nombre d'emplois devrait croître de 1 % annuellement jusqu'en 2013.
L'après-récession
L'industrie de l'aérospatiale a souffert du ralentissement économique, perdant de 20 à 25 % de sa main-d'œuvre. L'augmentation prévue en 2010 pour le transport de passagers (+3,2 %) et de fret (+5 %) pourrait toutefois amener les transporteurs à commander des avions. Le Québec, cinquième centre mondial de vente dans l'industrie aérospatiale, développe aussi son expertise en entretien et en réparation d'aéronefs, ce qui crée de l'emploi pour des tôliers, des monteurs de câbles et circuits et des techniciens en avionique.
La fabrication métallique industrielle a perdu environ 4 750 postes entre octobre 2008 et septembre 2009. Les entreprises de ce secteur, qui vendent une part importante de leur production aux États-Unis, espèrent une solide relance économique chez nos voisins. Selon les prévisions actuelles d'Emploi-Québec, 3 300 emplois devraient être créés dans le secteur d'ici 2013.
Si l'exploitation minière a créé 1 000 emplois en 2008-2009, 2 500 autres postes ont été coupés en raison de la crise financière. Seules les mines d'or ont résisté aux ravages de la crise. Le Comité action mines prévoit que 1 000 travailleurs seront nécessaires à la Baie James pour satisfaire les besoins de l'industrie au cours des 5 prochaines années.
Que ce soit dans la fonction publique provinciale ou fédérale, les départs à la retraite des travailleurs laissent entrevoir des possibilités pour la relève. Alors qu'au gouvernement du Québec, 9 000 travailleurs quitteront pour la retraite entre 2010 et 2013, 4 500 nouveaux fonctionnaires devront être recrutés pour les remplacer. Du côté du gouvernement fédéral, environ 2 150 travailleurs prendront leur retraite au cours de la période 2012-2013. Ces derniers ne seront toutefois pas tous remplacés.
Environnement : hausse de l'emploi de 26 %
L'emploi en environnement a progressé de 26 % entre 2007 et 2009. Les emplois se trouvent dans les entreprises spécialisées (environ 40 000 postes), mais aussi ailleurs dans l'économie, par exemple dans les usines, les banques, les hôpitaux ou les universités qui recrutent des conseillers en environnement. La hausse de l'embauche devrait se poursuivre sur la même lancée au cours des prochaines années, car de nouvelles lois et réglementations imposent des mesures plus sévères pour la protection de l'environnement et la réduction de l'empreinte écologique des entreprises.
Régions : contrer la décroissance démographique
La situation de l'emploi ne s'est pas trop détériorée dans les régions en 2009, surtout en raison des investissements en infrastructures et du secteur des services, qui domine de plus en plus la structure du marché du travail un peu partout au Québec. Les régions les plus touchées par la récession ont été celles à forte présence du secteur manufacturier, comme le Centre-du-Québec, Chaudière-Appalaches, la Mauricie et l'Estrie. Montréal a également écopé. Malgré les pertes, elles continuent des efforts de diversification et d'innovation leur permettant de garder le cap. La recherche de main-d'œuvre spécialisée y est un enjeu important, la relève qualifiée se raréfiant au sein de populations vieillissantes.
L'Outaouais, les Laurentides, Lanaudière et Laval présentent les plus haut taux de croissance annuelle de l'emploi pour les trois prochaines années, selon les chiffres d'Emploi-Québec. Situées à proximité de grands centres, ces régions jouissent d'une économie diversifiée et d'un solde démographique positif (on prévoit une croissance de 38 % de la population de Lanaudière, comparé à 16 % pour l'ensemble du Québec d'ici 2031) qui dynamisent le marché du travail. Mais c'est la région de la Capitale-Nationale qui remporte la palme du plus bas taux de chômage au Québec, et ce, depuis cinq ans : elle profite des succès d'une importante diversification économique au sein d'une population parmi les cinq plus vieillissantes au Québec, une combinaison qui l'incite à d'importantes initiatives de recrutement afin de maintenir l'intérêt des entreprises à s'y installer.