Open BIM ou BIM ouvert ? Qu’importe puisque cette approche dépasse les frontières et les langues. Cap sur une philosophie qui a pour mission de démocratiser la production et la consommation de l’information dans le domaine du bâtiment et des infrastructures.
La transformation numérique affecte tous les secteurs d’activité économique au pays, sans exception. En construction, le concept du open BIM (Building Information Modeling), francisé par le terme « BIM ouvert », se distingue par sa nature assurément technologique, mais également politique et humaine. Rencontre avec trois représentants de buildingSMART Canada, une organisation qui chapeaute le développement de normes BIM canadiennes, cohérentes avec les standards internationaux portés par buildingSMART International (bSI) de même que l’Organisme International de Strandardisation (ISO).
D’entrée de jeu, Érik Poirier, vice-président du Groupe BIM du Québec et administrateur de buildingSMART Canada, résume en quoi consiste le BIM ouvert. « Il s’agit d’une approche universelle à la réalisation de projets collaboratifs, dit-il. Celle-ci se répercute positivement sur tout le cycle de vie du bâtiment. L’open BIM sert à simplifier l’accès aux données et permet de réduire les couts. » Bill Moore, trésorier de bSI et président de building- SMART Canada, renchérit sur la pertinence du BIM : « On ne le dira jamais assez, le BIM n’est pas strictement axé sur les données géométriques. Une foule d’autres informations non géométriques sont accessibles à travers un modèle, dont le format doit demeurer indépendant du logiciel utilisé. Que ce soit pour les couts, les informations de coordination ou encore les paramètres ou attributs de composantes, ces données doivent être organisées de manière à être lues par divers outils au fil des ans ».
Le concept d’ouverture fait l’objet de discussions parmi les principaux fournisseurs de logiciels de modélisation depuis quelques décennies. En 1995, un regroupement de 12 entités, alors appelé l’IAI (International Alliance for Interoperability), a créé le schéma de données IFC (Industry Foundation Classes). Ce dernier constituait une première structure commune partagée. Depuis 2008, l’IAI opère sous le nom de buildingSMART et la mission de l’organisation consiste à normaliser les processus, les flux de travail et les procédures favorisant le virage numérique dans le domaine de la construction.
L’approche développée par building- SMART, et actuellement soutenue par ISO, consiste notamment à produire des définitions sectorielles universelles pour chacun des objets d’un modèle BIM. Dans un bâtiment, un objet pourrait notamment être un mur, une fenêtre ou une porte. À ces objets, on détermine des attributs et des relations standardisées. Pour que le système fonctionne, ces normes doivent être ouvertes et neutres, mais également adoptées par une majorité.
Pour Susan Keenliside, vice-présidente de buildingSMART Canada, « le BIM ouvert permet d’optimiser les investissements. Pour les professionnels et entrepreneurs, poursuit-elle, il donne accès à des logiciels qui supportent leur travail et méthodes. Pour les gestionnaires et propriétaires, il constitue un mécanisme d’encadrement du travail multidisciplinaire, où l’on obtient plus avec moins ».
À l’opposé, la multitude de fichiers et de courriels d’un projet traditionnel occasionne parfois de la confusion sur le chantier. Les erreurs de conception, la dispersion de l’information et le manque de communication peuvent se traduire par des conflits et des réclamations. Le BIM ouvert démocratise l’accès aux données et réduit à la source ces litiges improductifs, non générateurs de valeur à l’échelle de la communauté.
Or, pour effectuer un virage technologique durable, il est primordial de pouvoir exploiter les données d’un actif tout au long de sa vie utile. À cette échelle temporelle, et pour divers usages, les mêmes informations sont requises par différents logiciels à de nombreuses reprises. C’est alors qu’entre en scène le concept de l’interopérabilité, qui est d’ailleurs l’un des principaux freins au déploiement du BIM. En effet, l’interopérabilité entre les diverses plateformes nécessite l’adoption de cadres normatifs pour les données.
Pour ce faire, le bSI travaille à faire évoluer le schéma IFC, qui fait l’objet d’une norme ISO depuis 2013, de même que quatre autres normes complémentaires à la mise en oeuvre du BIM ouvert. Érik Poirier explique l’IFC ainsi : « Le fichier IFC issu d’un modèle Revit s’apparente au PDF issu d’un fichier Word. On ne peut pas faire du traitement de texte avec un PDF mais on pourra tout de même lire le texte. De la même manière, le fichier IFC est accessible par plusieurs alors que le fichier Revit ne l’est tout simplement pas. L’IFC n’est pas parfait, précise-t-il, mais il constitue un langage commun normalisé, qui met l’accent sur la donnée et non sur le logiciel. »
La toute dernière mouture de building- SMART, IFC4, est actuellement disponible et largement utilisée. Le schéma IFC5 est quant à lui en développement. On vise l’inclusion d’infrastructures, en codifiant des objets linéaires; ce qui sera pertinent, tant dans le domaine du bâtiment que des constructions civiles et industrielles. Face à cette inertie entre les plateformes, Susan Keenliside rappelle le pouvoir des consommateurs. « Les propriétaires, gestionnaires, professionnels et entrepreneurs ont un pouvoir d’achat, insiste-t-elle. Ils peuvent exiger des fournisseurs logiciels qu’ils soient certifiés BIM ouvert (IFC2x3 ou IFC4) par buildingSMART. »
De plus, « les donneurs d’ouvrage qui exigent un format de type IFC, indique Érik Poirier, contribuent à ouvrir le marché ». Devant ceux qui auraient tendance à faire usage de logiciels non certifiés, il fait la mise en garde suivante : « Chaque fois qu’une extraction est effectuée, les données sont filtrées. Sans certification buildingSMART, il n’y a aucune certitude quant à la qualité des données extraites en vue d’en faire un usage spécifique avec un autre logiciel. Il y a donc risque de perte de données ».
L’usage des données du BIM va bien au-delà des besoins pour la conception et la construction. En fait, ce sont toutes les déclinaisons subséquentes qui ouvrent la porte à une gestion durable des actifs, basée sur un cycle de vie bien documenté. Ainsi, que ce soit pour la maintenance, les travaux majeurs ou encore la gestion des espaces, un modèle BIM ouvert contient des informations précieuses cumulées tout au long des phases d’un bâtiment ou d’une infrastructure.
- Le dictionnaire IFD (International Framework for Dictionnaries);
- Le schéma de données IFC (Industry Foundation Classes);
- Le manuel de livraison de l'information IDM (Information Delivery Manual);
- La MVD (Model View Definition);
- Le format de collaboration BCF (BIM Collaboration Format).
Le Centre communautaire d'Elkford en Colombie-Britannique est largement reconnu pour son utilisation novatrice des produits du bois, puisqu'il s'agit de la première application commerciale des panneaux muraux en bois lamellé-collé (CLT) en Amérique du Nord. L’utilisation de l’open BIM à été un point central pour faciliter les échanges d’information dans le projet, notamment entre l’ingénieur en structure et le fabricant.
Il est à noter que le fournisseur logiciel Graphisoft a enregistré la marque de commerce OPEN BIMTM. Celle-ci est à ne pas confondre avec l’approche collaborative et ouverte, open BIM/BIM ouvert, développée et supportée par l’organisation bSI.
Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2019. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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