Le béton fibré : l'avenir de nos infrastructures ?

20 août 2014
Par Luc-Etienne Rouillard Lafond

Le béton est depuis plusieurs décennies un matériau populaire dans la construction des infrastructures routières québécoises. Alors que plusieurs d'entre elles arrivent à la fin de leur durée de vie utile, le Groupe de recherche en génie des structures de Polytechnique Montréal propose une alternative plus résistante, le béton fibré.

 

Une technologie apparue d'abord en Europe il y a une vingtaine d'années, ce béton est renforcé de fibres, le plus souvent métalliques mais parfois aussi synthétiques, dans une concentration de 0,5 à 1 % du mélange. Celles-ci sont en moyenne deux fois plus longues que le granulat d'environ 20 millimètres utilisé pour la confection du béton.

 

Lors d'une traction sur une structure, une fissure peut se créer. Les fibres passant au travers permettent de contrôler l'ouverture et d'empêcher son amplitude. « Ces fibres vont renforcer le béton et permettre des fissures plus fines pendant la durée de vie utile de l'ouvrage », explique Jean-Philippe Charron, responsable du groupe de recherche. La durabilité du matériau varie selon lui de 75 à 100 ans.

 

À gauche, une dalle en béton fibré ultra performant. À droite, une dalle faite d'un hybride utilisant du béton fibré régulier ainsi qu'une mince couche de béton fibré ultra performant.

 

Jumelé à une structure de béton armé habituelle, il peut également, par ses fissures plus petites, permettre le ralentissement de la corrosion des tiges d'acier. « En ayant des ouvertures de fissure plus fines, on va réduire la pénétration de l'eau et des agents agressifs. Cela va donc améliorer la durabilité des structures à long terme », explique le chercheur.

 

Un béton fibré ultra performant

Après plusieurs années de recherche, le Groupe de recherche de Polytechnique est aussi parvenu à améliorer le matériau, en élaborant un béton fibré ultra performant. Celui-ci, confectionné avec un granulat très fin (1 ml), mise sur l'utilisation de fibres très minces en acier à haute résistance, qui fait de 1 600 à 2 000 mégapascals. « Il y a énormément de fibres métalliques dans ce matériau. On utilise de 2 à 8 % de fibres, explique Jean-Philippe Charron. C'est ce qui fait que ce matériau est très performant et excessivement durable.»

 

Du béton fibré ultra performant.

 

De 5 à 10 fois plus cher qu'un béton traditionnel, certains pourraient hésiter à en faire l'utilisation. Le chercheur demeure cependant convaincu de son utilité. « Pour ce type de béton, on envisage une durabilité de 100 à 150 ans, aisément. Comme il est très cher, on peut l'utiliser où l'on en a vraiment besoin, par exemple des couches minces, des joints. » Entre deux éléments préfabriqués en béton fibré, par exemple, il serait possible de couler le béton ultraperformant pour rendre cette jonction plus solide.

 

À venir au Québec

Si le béton fibré a été intégré à trois ponts québécois entre 1998 et 2002, notamment celui du boulevard des Cascades de Saint-Jérôme, la province n'a pas privilégié cette technologie au cours des dernières années. « Depuis 20 ans, on développe ces bétons. Il y a des matériaux à point que l'on utilise sur des structures en Europe, aux États-Unis et un peu au Canada, mais très peu au Québec », explique Jean-Philippe Charron.

 

Alors que le Groupe de recherche en génie des structures a jusqu'à maintenant surtout travaillé à l'élaboration de ces produits, M. Charron avance que le Québec est maintenant prêt à faire des applications structurales. « Nous avons des projets avec des partenaires comme le ministère des Transports du Québec, la Ville de Montréal ou la Société des ponts Champlain et Jacques-Cartier, qui maintenant veulent connaître ces nouveaux matériaux et voir comment on peut les utiliser sur les structures. »

 

Des projets se profilent à l'horizon, au cours des deux prochaines années et les défis demeurent encore multiples pour l'intégration du béton fibré aux structures de demain. « Le problème demeure le transfert de la technologie vers l'industrie, explique Bruno Massicotte, professeur à Polytechnique Montréal. Certains sont en avance sur nous, mais nous sommes mûrs.»

 

Pour visiter les installations du Groupe de recherche en génie des structures de Polytechnique Montréal et des photos de structures en béton fibrés, consultez l'album Groupe de recherche en génie des structures sur notre page Facebook.