Dans notre monde à l'économie souvent mouvementée et parfois fragile, l'industrie de la construction écologique continue de susciter l'engouement des investisseurs et professionnels. Le bâtiment vert constitue un placement sûr, sécuritaire et stable. En effet, sa faible consommation énergétique lui procure une indépendance face aux fluctuations des coûts énergétiques. Cette qualité suscite un grand intérêt pour les propriétaires et entreprises. Conséquemment, les innovations se succèdent et les objectifs de performance ne cessent d'augmenter.
En consultant les statistiques sur les bâtiments certifiés LEED construits au Canada, il est possible de constater que 51 % des projets certifiés ont obtenu des crédits relativement à la réduction de la consommation énergétique. Cette mise en pratique des technologies d'économie d'énergie est en voie de devenir une norme sur le marché. En parallèle, seulement 4 % des bâtiments certifiés ont obtenu le crédit pour la production, in situ, d'électricité puisée de sources renouvelables. L'intégration de ces technologies de pointe permet de réaliser des constructions qui génèrent autant d'énergie qu'elles n'en consomment. Ces constructions sont dites « nette zéro »
Depuis longtemps, cette idée du bâtiment autonome fascine les constructeurs. On y fait souvent allusion tant dans les ouvrages de science-fiction que d’architecture. Au cours des dernières années, ce concept a fait l'objet de nombreuses recherches et expérimentations. Un peu partout dans le monde, divers prototypes furent construits, à diverses échelles. Des maisons individuelles à consommation énergétique nette zéro aux gratte-ciel générateurs d'électricité, les exemples se multiplient.
Des maisons passives
Développées à l'origine en Europe, les maisons passives sont des maisons à consommation énergétique très faible. Leur haute performance énergétique est le résultat du jumelage d'une multitude de techniques, relativement simples. L'essentiel de l'idée consiste à réduire au minimum les besoins en énergie. L'architecture et la construction doivent être mises à profit. Une superficie de plancher optimisée et flexible, une fenestration généreuse disposée en fonction de la course du soleil ainsi que la construction de masses thermiques intérieures ; cet ensemble de stratégies architecturales contribuent à la faible consommation énergétique d'une résidence. En jumelant ces éléments avec une enveloppe à haute résistance thermique (murs R-38, toiture R-62, etc.) et un système de chauffage géothermique, les résultats des expérimentations tendent à démontrer que, pour une maison québécoise, il est possible de réduire de 75 % le coût de la facture énergétique.
Selon un récent rapport de la SCHL, la consommation énergétique moyenne d'une maison de 141 mètres carrés, construite selon la norme R-2000 (qui constitue actuellement un standard minimal), est d'environ 160 kWh par mètre carré de superficie de plancher. La consommation énergétique de la maison ÉcoTerra, un prototype de maison à très haute performance, construite à Eastman au Québec, est d'environ 40 kWh par mètre carré. Les techniques bioclimatiques passives permettent donc de faire passer la facture énergétique de 1 300 $ à 300 $, approximativement. En support, des panneaux photovoltaïques installés sur le toit confèrent à la maison ÉcoTerra un potentiel annuel de production électrique d'environ 28 kWh par mètre carré de superficie. De par cette production active, le coût annuel de l’énergie requise du réseau public se trouve réduit à environ 200 $.
Malgré le fait que ces chiffres peuvent faire rêver beaucoup de propriétaires immobiliers, l'investissement requis pour la mise en place d'un système photovoltaïque sur le toit d'une résidence est rarement logique, d'un point de vue économique. L’énergie achetée du réseau public étant généralement moins chère que celle produite individuellement. La meilleure approche semble être, pour l'instant, d'opter pour une maison passive conçue de manière à pouvoir recevoir éventuellement des systèmes de production électrique, sans les y intégrer immédiatement.
Des projets nette zéro à grande échelle
Pour une poignée de visionnaires du développement durable, le principe du bâtiment autonome peut être mis en œuvre à grande échelle : centre commerciaux, bâtiments publics, gratte-ciel, villes entières. La Pearl River Tower, située à Guangzhou en Chine et conçue par la firme Skidmore Owings and Merrill (SOM), constitue un bon exemple d'un bâtiment de grandes dimensions se rapprochant de la consommation énergétique nette zéro. Selon le site internet de la firme, l'édifice est réalisé de manière à tirer profit des caractéristiques solaires et éoliennes spécifiques au site. Le bâtiment, orienté vers le sud, est muni de panneaux photovoltaïques ainsi que d’ouvertures destinées à canaliser le vent vers l’intérieur d’étages hautement mécanisés où d’immenses turbines internes sont activées : il génère sa propre énergie. À New York, les architectes Kiss+Cathcart conçoivent un projet étonnant : le « Solar 2 ». Centre d'accueil et d'interprétation pour les visiteurs, ce projet comporte une superficie importante de panneaux solaires ainsi qu'un système géothermique. Il vise à être le premier projet new-yorkais à consommation énergétique nette zéro.
Le développement des technologies et l'accessibilité grandissante de celles-ci laisse présager l'augmentation exponentiel du nombre de nouvelles constructions autonomes. Qu'il s'agisse de projets à petite ou grande échelle, le défi est toujours de taille. Il exige un engagement clair de la part des donneurs d’ouvrage, jumelé à une grande expertise des professionnels de l’industrie de la construction. Grâce à cette concertation constante, ce qui était il y a peu de temps une utopie est en voie de devenir réalité.
L’auteur est architecte pour la firme Vachon & Roy à Gaspé. Courriel : mfleury@vachonroyarchitectes.com
Cette chronique est parue dans l’édition du jeudi 15 décembre 2011 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !