Grâce à des technologies prometteuses, la revalorisation de friches industrielles devient une avenue intéressante pour les villes. Tour d’horizon.
Par Marie Gagnon
Dans la mesure où ils limitent la consolidation du tissu urbain, les sites contaminés représentent plus que jamais un défi de taille pour les villes. Cependant, les coûts élevés associés à leur réhabilitation, qui parfois en dépassent la valeur foncière, freinent leur mise en valeur. Des technologies avant-gardistes promettent de rendre ces opérations plus rentables et plus durables.
Notamment en ce qui concerne la dépollution des sols contaminés aux métaux lourds et aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Ces contaminants, qui abondent dans les sols des friches industrielles, présentent un danger tant sur le plan environnemental que sur le plan de la salubrité publique. Suivant leur concentration, ces composés peuvent en effet se révéler hautement toxiques ou cancérogènes.
Un procédé expérimental
« Récemment, un procédé innovateur qui combine, dans un même réacteur, l’extraction des métaux lourds par lixiviation chimique et celle des HAP par l’utilisation d’un surfactant, a fait l’objet d’un projet pilote sur la base militaire de Valcartier, rapporte André Carange, vice-président secteur Sols et eaux souterraines pour Réseau Environnement. Ce procédé, baptisé Organometox, a été développé au sein des locaux de l’INRS-ETE dans le cadre d’une thèse doctorale. »
Les essais, qui se sont déroulés sur une période de huit mois, ont permis de traiter 63 tonnes de sols contaminés provenant de deux sites différents et présentant des concentrations variées de HAP, de plomb et de chrome. Leur niveau de contamination correspondait à la plage B-C des critères du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP).
Le procédé se résume en quelques mots. Le sol contaminé est tamisé de manière à obtenir des fractions de sol de granulométries différentes auxquelles sont appliqués divers traitements. Les plus grosses fractions ont tout simplement été rincées, tandis que les plus fines ont été traitées soit par attrition en plusieurs étapes ou par séparation physique sur colonne, suivant la nature des contaminants en présence.
Lorsque la contamination était très élevée, les fractions les plus petites ont été soumises tantôt à l’attrition, tantôt à la séparation physique sur colonne et à la flottaison à pH acide en présence de chlorure de sodium (NaCl). Les eaux de procédés ont par la suite été recyclées en quasi-totalité, soit par floculation et décantation, soit par centrifugation et précipitation chimique afin de récupérer les contaminants résiduels.
Les taux de décontamination obtenus par cette méthode sont probants. Pour les HAP, ils variaient de 83,2 à 95,6 %, tandis que pour le plomb, ils allaient de 30,7 % à 84 %. De façon générale, le sol décontaminé représentait entre 77 et 92 % de la masse de sol de départ. Il reste que le procédé, expérimental, demande à être optimisé, tout comme les équipements qui lui sont nécessaires, avant de penser à une application commerciale à grande échelle.
Des technologies éprouvées
Cependant, d’autres technologies de réhabilitation des sols contaminés ont fait leurs preuves. C’est le cas notamment de la biodégradation, un procédé appliqué aux sols contenant des hydrocarbures, comme les DHAP, le diesel, le mazout et autres huiles usées. « C’est la méthode la plus répandue à l’heure actuelle au Québec, signale André Carange, qui est également vice-président développement des affaires pour les secteurs géotechnique, ingénierie des matériaux et environnement de LVM.
« Aujourd’hui, on compte environ 25 plateformes de traitement par biodégradation, poursuit cet ingénieur civil. Et le principe est assez simple. Il s’agit de bactéries déjà présentes dans le sol qui brisent les liens chimiques des hydrocarbures pour les transformer en molécules d’eau et de gaz carbonique. Cette méthode peut être appliquée in situ, mais elle est plus efficace si on utilise l’approche par biopile. »
La technique de traitement des sols par biopile consiste à amonceler les sols excavés et à les aérer. Ces plateformes de traitement sont en effet mises sous ventilation afin d’accélérer le processus de biodégradation. Des nutriments peuvent également être ajoutés pour favoriser la croissance des microorganismes. Son niveau d’efficacité va de 80 à 90 %. Quant à la gazoline, plus volatile, elle est traitée par bioventilation, c’est-à-dire que ses vapeurs sont aspirées par un biofiltre ou du charbon activé.
Enfin, la désorption thermique, bien que plus complexe, s’avère utile en présence de contaminants récalcitrants comme les biphényles polychlorés (BPC), des molécules extrêmement stables. Pour éliminer ces contaminants, les sols sont soumis à des températures extrêmement élevées afin de vaporiser les molécules de BPC. Les vapeurs, composées de dioxines et de furannes, sont ensuite détruites à très hautes températures. Cette méthode est efficace à 99,9999 %.
Chercheur à l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal (IRBV), le professeur Mohamed Hijri codirige un projet faisant appel à la mycorhize, c’est-à-dire l’association entre un champignon microscopique et les racines d’une plante, dans le processus de décontamination.
« Le champignon mycorhizien peut ainsi séquestrer les métaux lourds dans ses vacuoles ou les stocker dans la plante, qui est ensuite récoltée, résume le chercheur. Il s’agit d’un procédé naturel peu coûteux et très efficace, sauf qu’il est très lent. Nos études visent à le rendre plus optimal. »
Cet article est tiré du Supplément thématique – Environnement 2013. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !
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