La recette UTILE : repenser le logement étudiant

Depuis quelques mois, les nouveaux projets de résidences universitaires pilotés par l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) se multiplient. Il y a d’abord eu, en juin, l’annonce de la construction de La Canopée, à Trois-Rivières. Elle a été suivie, en août, de celle d’une future résidence sur un stationnement appartenant à Centraide sur le Plateau Mont-Royal et, en septembre, d’une annonce concernant un projet situé à l’angle des rues Saint-Laurent et Ontario, toujours à Montréal. À l’heure où les projets de logements sociaux peinent à sortir de terre, comment cette entreprise de développement et de gestion immobilière à but non lucratif spécialisée en logement étudiant parvient-elle à construire autant d’habitations abordables ?

Optimiser l’architecture

La « recette » de cette réussite, Laurent Lévesque, directeur général de l’organisme, l’attribue à deux ingrédients : l’optimisation architecturale et l’optimisation du temps. Ce travail d'optimisation a d'ailleurs été opéré en étroite collaboration avec la firme d'architecture STGM, qui accompagne l'organisme depuis le tout début. Bien que l’UTILE construise des logements standards (et non des chambres), ces derniers n’ont pas besoin d’être très spacieux ni dotés d’une chambre principale plus vaste comme c’est le cas lorsqu’une unité s’adresse à un couple ou à une famille. « La population étudiante, elle peut vivre dans de plus petits appartements, elle a moins de possessions matérielles que d’autres ménages plus établis », fait valoir le directeur général.

La conception est relativement standardisée, du moins à l’intérieur des logements puisque chaque bâtiment est en soi unique dans son approche architecturale et son intégration urbaine. Laurent Lévesque indique aussi apprendre de chaque projet. Par exemple, la première résidence de l’organisme ne comportait pas de bureaux pour les gestionnaires de l’immeuble, une lacune qui a été corrigée depuis. Un autre défi réside dans la gestion des colis et des déchets, les étudiants se faisant livrer un nombre incalculable d’objets et de meubles lors de leur emménagement.

Le directeur de l’UTILE affirme par ailleurs qu’aucun compromis n’est fait sur la qualité des matériaux dans le but de réduire les coûts. Il n’y a certes pas de comptoirs de quartz, mais les matières sont tout de même choisies en fonction de leur durabilité.

Collaborer pour aller plus vite

Le deuxième volet de la recette concerne le temps, un facteur qui a un impact non négligeable sur le budget d’un projet considérant que les coûts de construction augmentent chaque année. Plutôt que de suivre la séquence traditionnelle « obtention des permis-financement-choix de l’entrepreneur », l’UTILE fait cheminer ces différents éléments en parallèle, quitte à prendre quelques risques — calculés, évidemment.

« Le principal levier qu’on a en ce moment pour l’accélération des projets, c’est la collaboration avec les municipalités. […] On a toute une équipe à la fois de développement immobilier et d’affaires publiques qui collabore avec les municipalités pour leur proposer des solutions pour que les parcours d’approbation soient les plus rapides et prévisibles possibles », dit Laurent Lévesque. Il mentionne aussi investir davantage pour préparer des plans détaillés plus tôt dans le processus afin de mieux répondre aux demandes des villes.

Il n’hésite pas non plus à conclure des partenariats avec des entrepreneurs, même si toutes les ficelles du financement ne sont pas encore attachées. Cela a notamment été le cas avec l’entreprise L’Intendant, qui a réalisé la résidence L’Ardoise à Québec et qui construit actuellement La Canopée. Une fois les sommes obtenues du gouvernement pour le projet L’Ardoise, le chantier a pu débuter à peine trois mois plus tard. Il s’agit d’un délai particulièrement court, selon Laurent Lévesque.

Programme de conception intégrée

Pour le président de L’Intendant, Raphaël Volpato, la clé du succès repose sur l’approche de conception intégrée : « La seule façon de faire, c’est d’avoir tout le monde autour de la table dès le premier jour et de les voir comme des collaborateurs », insiste-t-il.

Il explique que des rencontres de conception entre le client, l’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur ont lieu régulièrement au début d’un projet et que tous les choix (toilettes, planchers, système de ventilation) sont faits en groupe. Cette façon de faire évite de longs et coûteux retours à la table à dessin, ce qui permet de respecter autant le budget que l’échéancier. « À Québec, je pense qu’on est 3 % en dessous du budget sans avoir touché à la contingence. À Trois- Rivières, on va être quelque chose comme entre 2 et 5 % aussi. C’est vraiment en prenant des décisions chaque semaine avec les professionnels qu’on réussit à faire ça. Il n’y a pas de secret là », résume Raphaël Volpato.

L’entrepreneur estime que les résidences de l’UTILE coûtent 50 % moins cher et prennent 50 % moins de temps à réaliser que tout autre projet de logement social (de 2 à 3 ans vs de 6 à 7 ans). Il dit retirer une certaine fierté, non seulement à contribuer à résorber la crise du logement, mais aussi à pouvoir le faire deux fois plus rapidement. « C’est gratifiant pour nous, lorsque nous disons à des gens que nous livrons 200 logements en moins de 12 mois. Je n’ai pas vu ça souvent, et ça fait 32 ans que notre compagnie existe ! »