Deux solutions pour un vitrage intégral

25 janvier 2015
Par Marie Gagnon

Semblables au premier coup d’oeil, les murs-rideaux et les murs-fenêtres se distinguent à plusieurs égards. Regard sur deux solutions qui en mettent plein la vue.

Dans les édifices de grande hauteur, la popularité des façades de verre ne se dément pas. Aériennes et légères, elles sont emblématiques d’une architecture contemporaine où le bâtiment, tout en transparence, se fond dans la couleur du temps. Mais au-delà de ces belles images, elles témoignent d’une modification fondamentale du rôle habituel de la façade. À mesure qu’elle se vitrait, la façade s’est graduellement dissociée de son rôle porteur, pour devenir un élément indépendant de la construction.

 

Cette mutation s’est accélérée avec l’apparition d’enveloppes vitrées toujours plus étanches et mieux isolées. Parmi celles-ci, le mur-rideau et le mur-fenêtre emportent aujourd’hui la faveur des concepteurs, qui rivalisent d’audace en mariant l’élégance du verre tantôt à la sobriété, tantôt à la fantaisie. Sous des dehors plutôt semblables, ces systèmes présentent néanmoins des différences essentielles, dont il faut tenir compte pour en optimiser le rendement in situ.

 

« Il s’agit de systèmes similaires, rappelle Louis Fortin, directeur de projet de Conseil et laboratoire en enveloppe du bâtiment (CLEB). L’un comme l’autre, ils peuvent composer la totalité de l’enveloppe du bâtiment et servir aussi bien à un usage résidentiel que commercial. Ce qui les différencie, surtout, c’est leur conception. Le mur-rideau est conçu pour être installé en continu et passer devant chaque dalle, tandis que le mur-fenêtre est fabriqué pour être fixé d’une dalle à l’autre. »

 

Des avantages et des limites

La réputation du mur-fenêtre a quelque peu souffert de cette particularité. La présence des deux joints d’étanchéité, à la tête et à la base de l’élément, pose en effet un défi lors de la mise en oeuvre. De plus, en Ontario et dans l’Ouest canadien, des projets multirésidentiels réalisés à bas coût, et ne respectant pas les principes élémentaires de l’écran pare-pluie, ont causé de sérieux problèmes d’infiltration d’eau et, de ce fait, ont nui à la cote du mur-fenêtre.

 

« Aujourd’hui, c’est beaucoup plus encadré, commente Louis Fortin. En Colombie-Britannique, par exemple, les architectes doivent maintenant travailler avec un consultant en enveloppe pour concevoir de telles façades. Au Québec, les fabricants sont plus sérieux. Leurs produits sont plus chers, mais ils sont beaucoup mieux conçus. »

 

L’installation dalle à dalle des modules du mur-fenêtre militerait en faveur d’une meilleure acoustique. En désolidarisant les composants de l’enveloppe, la conception du mur-fenêtre éliminerait en effet toute transmission des bruits d’impact d’un étage à l’autre. Partant, ce type d’enveloppe à vitrage intégral serait mieux adapté au bâtiment multirésidentiel que le mur-rideau.

 

Même s’il reconnaît n’avoir aucune donnée à cet effet, l’expert en fenestration affirme que cette acoustique est effectivement intrinsèque au concept du mur-fenêtre. Il dément du même souffle la théorie voulant que l’acoustique du mur-rideau ne convienne pas au multirésidentiel. Selon lui, si aucun problème n’a été rapporté jusqu’ici, c’est que les concepteurs savent aujourd’hui intervenir sur l’acoustique et diminuer les bruits de structure en isolant mieux et en ajoutant de la masse derrière le tympan.

 

Deux écoles de pensée

« C’est un choix de conception, résume Louis Fortin. On a deux produits similaires, qui font appel à un jeu de conception différent. Sur le plan architectural, le mur-rideau offre plus de latitude. On peut, par exemple, jouer sur la forme et la longueur des meneaux pour créer du mouvement dans la façade. On peut aussi insérer dans le tympan un verre coloré ou un parement de bois, de pierre ou d’aluminium. »

 

Quelle que soit la solution retenue, elle sera coûteuse. Mais le surcoût associé à un mur-rideau ou à un mur-fenêtre, comparativement à une enveloppe en dur, sera en partie absorbé par la rapidité d’exécution au chantier et, de ce fait, des coûts de main-d’oeuvre moindres. Leur légèreté y contribuera également, car les fondations seront moins importantes. Et la durabilité des matériaux, comme celle des assemblages s’ils sont faits en milieu contrôlé, sera au rendez-vous.

 

Au chapitre de la qualité, l’industrie de la façade vitrée a d’ailleurs connu plusieurs avancées notables au cours des 20 dernières années. Notamment en matière d’isolation, comme en témoigne Jean-Pierre Riverin, vice-président ingénierie et développement des produits du Groupe Lessard, une firme spécialisée en enveloppe du bâtiment.

 

Deux solutions pour un vitrage intégral - Photo de Groupe Lessard

 

« Les défaillances observées dans les murs-fenêtres construits ailleurs au Canada sont principalement attribuables à la faible résistance thermique de l’enveloppe, dit-il. L’isolant est apposé à l’extérieur du tympan, sur sa partie froide, ce qui n’empêche pas le transfert du froid vers l’intérieur. Aujourd’hui, on est capable d’isoler jusqu’à trois pouces d’épaisseur du côté chaud tout en assurant la continuité du pare-vapeur. »

 

L’aspect structural a également beaucoup évolué. Les fabricants disposent aujourd’hui d’un arsenal de stratégies pour tenir compte du fluage des structures de béton et de la flèche due à la surcharge d’un plancher à l’autre. Ils misent aussi sur des logiciels de dessin ultrasophistiqués pour paramétrer les modules à produire et des machines à contrôle numérique sur les lignes d’assemblage pour accélérer la production et améliorer la qualité des produits.

 

Ces avancées permettent d’atteindre des sommets jusque-là inégalés. « Les portées sont toujours plus hautes, on peut atteindre facilement 20 pieds entre deux étages, souligne Alain Lefrançois, le président d’Epsylon Concept, une firme spécialisée dans la préfabrication de murs-rideaux. À la Cité du savoir, à Laval, on est allé jusqu’à 18 pieds. Et on peut aller très haut, jusqu’à 150 étages, en adaptant le mur-rideau. Le système est léger, mais il est aussi très résistant. »

 

DEUX CONSEILS

Pour s’assurer de la qualité d’un système et de son installation, qu’il s’agisse d’un mur-rideau ou d’un mur-fenêtre, il faut :

  • s’assurer que tous les contrôles en laboratoire ont été effectués ;
  • et exiger des essais à pied d’oeuvre pour confirmer la performance du produit choisi

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2014. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !