Éclairage au DEL – Engouement et prudence

30 mai 2013
Par François Cantin, M. Sc. Arch.

Ce n'est qu'une question de temps avant que les lampes à diode électroluminescente (DEL) ne détiennent la majeure partie du marché de l'éclairage. Alors que l'implantation du DEL dans le secteur résidentiel suit son cours à bon rythme, de récentes avancées technologiques lui offrent désormais la possibilité d'intégrer massivement les secteurs sportif (plateaux de jeux et piscines) et industriel (entrepôts et ateliers), des marchés auparavant presque exclusivement réservés aux sources de type fluorescent et halogénures métalliques.

 

Engouement

Selon Peter Boyce, chercheur émérite œuvrant depuis plus de 45 ans dans le domaine de l'éclairage, trois principales raisons peuvent expliquer ce raz-de-marée déferlant sur le marché [1].

 

Premièrement, les sommes investies par les compagnies pour développer le DEL sont tout simplement colossales. Les progrès qui en résultent, autant sur le plan de l'économie d'énergie que de la performance des sources (puissance et longévité), sont bel et bien réels.

 

Deuxièmement, la prétendue capacité des DEL à remplacer adéquatement les sources incandescentes en enthousiasme plus d'un. Finalement, force est d'admettre que la percée fulgurante du DEL et son omniprésence en devenir constituent un phénomène très tendance. À l'heure actuelle, quiconque ne choisit pas le DEL pour s'éclairer court le risque d'être perçu comme étant dépassé ou encore réactionnaire face au changement.

 

Dans le même ordre d'idées, Mark S. Rea, directeur du Centre de recherche en éclairage du Rensselaer Polytechnic Institute, décrit l'impact du DEL comme un véritable buzz qui amène de plus en plus de gens à s'intéresser au domaine de l'éclairage [2].

 

Défis des manufacturiers

Face à ce marché en pleine ébullition, plusieurs manufacturiers et distributeurs se sont efforcés, souvent à la hâte, de répondre à la demande. Alors que certains avaient une réputation à conserver, d'autres, moins rigoureux, n'ont pas cru nécessaire d'offrir un niveau de qualité respectable. Au final, le consommateur baigne dans un marché saturé de produits dont la provenance est parfois inconnue et la qualité peut s'avérer discutable.

 

D'autre part, malgré la grande qualité de certains produits, plusieurs aspects doivent encore être clarifiés avant de pouvoir se lancer sans retenue dans l'aventure du DEL. À titre d'exemple, mentionnons la nécessité de développer de meilleurs indicateurs de la performance des sources au DEL quant à leur capacité à rendre les couleurs. Pour l'instant, plusieurs travaux de recherche ont démontré l'inefficacité des méthodes traditionnelles de qualification du rendu des couleurs à fournir des réponses adéquates lorsque utilisées pour décrire des sources au DEL [3].

 

Malgré les nombreux débats entourant le sujet, aucune solution acceptable aux yeux de la communauté de l'éclairage n'a encore été proposée. Même constat en ce qui a trait aux indicateurs de performance relatifs au confort visuel. Bien que plusieurs recherches sur le sujet soient en cours [4], beaucoup reste à faire avant de pouvoir prétendre maîtriser l'ensemble des enjeux inhérents à l'éclairage au DEL et au niveau de confort qu'il peut offrir.

 

Prudence et attitude critique

Face aux nombreuses possibilités offertes par les technologies au DEL et aux quelques incertitudes qui les entourent, la prudence est de mise.

 

Les professionnels chargés de l'élaboration des stratégies d'éclairage et de la spécification de leurs composantes ont certainement la responsabilité de questionner et d'exiger des réponses de la part des manufacturiers et des distributeurs. Afin de démontrer leur bonne volonté et leur sérieux, ceux-ci devraient systématiquement confier à une tierce partie le mandat d'analyser le cycle de vie de leurs produits.

 

Sans ces analyses, il demeure ardu de distinguer les solutions convenables sur le plan environnemental d'avec le greenwashing. Le futur de l'éclairage au DEL s'annonce très prometteur, (mais ?) nul besoin de se précipiter si ce n'est que pour constater nos erreurs à court terme.

 

1. Boyce, P. (2013) Editorial: LEDs are the answer, now what's the question?, Lighting Research and Technology, vol. 45, no 3, p. 265.

2. Rea, Mark S. (2010) Opinion: The future of LED lighting: Greater benefit or just lower cost, Lighting Research and Technology, vol. 42, no 4, p. 370.

3. Islam, M.S. et al. (2013) Investigation of user preferences for LED lighting in terms of light spectrum, Lighting Research and Technology, février 2013.

4. Sweater Hickcox, K. et al. (2013) Effect of different coloured luminous surrounds on LED discomfort glare perception, Lighting Research and Technology, février 2013.

 


L’auteur est stagiaire en architecture chez Coarchitecture (anciennement Hudon Julien Associés), bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa et membre d’ECOOP, une coopérative offrant divers services de consultation en science du bâtiment.

Conseil du bâtiment durable du Canada - section du Québec

 

Cette chronique est parue dans l’édition du mardi 28 mai 2013 du journal Constructo. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !