Soumission déposée en retard : est-il possible de contester l’heure indiquée par l’horodateur ? (partie 2)

6 juin 2013
Par Me Alexandre Lacasse

Droit et construction - La chronique de Dufresne Hébert Comeau

 

>> Ce sujet vous intéresse ? Lisez la première partie de la chronique Soumission déposée en retard : est-il possible de contester l’heure indiquée par l’horodateur ?

 

Une chronique du cabinet Dufresne Hébert Comeau - Le 11 avril dernier, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Constructions Bé-Con inc. (2013 QCCA 665), la Cour d’appel du Québec a confirmé un jugement de la Cour supérieure (2011 QCCS 3641) à l’effet qu’il est possible pour le soumissionnaire retardataire de contester l’exactitude de l’heure apparaissant à l’horodateur du donneur d’ouvrage.

 

En juillet 2006, Travaux publics Canada lance un appel d’offres pour l’obtention de soumissions concernant la réalisation de travaux à Québec. Les soumissions doivent être déposées avant 14 h le 28 août 2006.

 

Le 28 août, Bé-Con dépose sa soumission avant 14 h et, lors de la séance d’ouverture publique, les soumissionnaires présents sont informés que seules deux soumissions ont été déposées dans les délais prescrits, les autres soumissions ayant été déposées en retard. Bé-Con remporte la mise avec la soumission la plus basse.

 

Quelques jours plus tard, alors que Bé-Con attend le contrat, elle reçoit plutôt une lettre de Travaux publics Canada l’informant qu’après avoir effectué des vérifications quant à l’heure indiquée par son horodateur, Travaux publics Canada a constaté que la soumission de l’entreprise D. & R. Grenier inc. a finalement été reçue à l’intérieur du délai prescrit. En effet, l’horodateur indiquait que cette soumission avait été déposée à 14 h 1, mais l’horodateur avait deux minutes d’avance par rapport à l’heure officielle du Canada établie par les horloges atomiques du Conseil national de recherche du Canada. La soumission de Grenier avait donc été déposée à 13 h 59 et non à 14 h 1. Travaux publics Canada décide d’accorder le contrat à Grenier inc., dont le montant de la soumission était légèrement inférieur à celui de Bé-Con.

 

Bé-Con apprendra plus tard que le lendemain de l’ouverture publique des soumissions, Grenier avait mis en demeure Travaux publics Canada de vérifier l’heure de son horodateur auprès du Conseil national de recherche du Canada. Après avoir constaté que son horodateur avait deux minutes d’avance, Travaux publics Canada avait procédé à l’ouverture en privé de la soumission de Grenier pour ensuite lui octroyer le contrat.

 

La Cour d’appel confirme que Travaux publics Canada pouvait considérer recevable la soumission de Grenier en raison des deux minutes d’avance de son horodateur.

 

Toutefois, les documents d’appel d’offres prévoyaient une ouverture publique des soumissions et que le « Guide des approvisionnements » de Travaux publics Canada prévoyait également une procédure précise régissant l’ouverture publique des soumissions. La Cour d’appel est donc d’avis que Travaux publics Canada a violé une règle fondamentale du processus d’appel d’offres en procédant à l’ouverture en privé de la soumission de Grenier par une employée de Travaux publics Canada alors qu’elle était seule dans son bureau.

 

Selon la Cour d’appel, Travaux publics Canada aurait dû tout simplement convoquer tous les soumissionnaires avant de procéder à l’ouverture publique de la soumission de Grenier.

 

Ne mettant nullement en doute la bonne foi de Travaux publics Canada et de son personnel, la Cour d’appel conclut néanmoins que l’ouverture en privé de la soumission a affecté la transparence du processus et a empêché d’en garantir l’intégrité vis-à-vis du public, et ce, même si la soumission de Grenier avait finalement été déposée dans le délai imparti et que celle-ci était la plus basse conforme.

 

Bé-Con a ainsi droit à la perte de profit net sur l’exécution de ce contrat dont le montant est fixé par le tribunal à 190 660,25 $.

 

Cette affaire démontre encore une fois l’importance des termes employés par le donneur d’ouvrage dans la documentation d’appel d’offres. Le donneur d’ouvrage doit rigoureusement respecter les procédures qu’il a lui-même établies dans sa documentation d’appel d’offres, et ce, même dans une situation exceptionnelle où une soumission est finalement jugée recevable suite à une correction de l’heure de l’horodateur.

 

Lisez le début de la chronique Soumission déposée en retard : est-il possible de contester l’heure indiquée par l’horodateur ? dans la section Réglementation du Portail Constructo.

 


Cette chronique constitue une source d’information générale. Pour toute question plus précise sur le sujet ou pour faire part de vos commentaires, nous vous invitons à communiquer avec l’auteur de cette chronique : Me Alexandre Lacasse, par courriel à alacasse@dufresnehebert.ca ou téléphone au 514 331-5010.

Dufresne Hébert Comeau Avocats

 

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