Panneaux de bois lamellé-croisé : possibilités et défis

22 décembre 2010
Par Mathieu Fleury, architecte, P.A. LEED, Vachon & Roy

Pour plusieurs spécialistes de la construction écologique, un bâtiment vert doit nécessairement inclure le bois dans sa construction. En effet, il est clairement démontré par de nombreuses études scientifiques que l’énergie intrinsèque contenue dans le bois est nettement inférieure à celle que l’on trouve dans l’acier ou dans le béton. À titre d’exemple, une poutre en acier qui requiert 101 kg de CO2 pour être produite, en nécessite 76 kg si elle est faite en béton et seulement 6 kg de CO2 si elle est conçue en bois. La quantité de CO2 engendrée par la construction d’un bâtiment peut donc être nettement réduite par l’utilisation du bois.

 

Les produits de bois d’ingénierie québécois occupent une place grandissante sur le marché de la construction. En effet, bon nombre de bâtiments commerciaux et institutionnels récemment construits au Québec font usage du bois comme matériau de structure et de finition. Que l’on pense à l’édifice de la CSN et au stade de soccer du Parc Chauveau à Québec ou encore au Centre québécois de formation en maintenance d’éoliennes, les exemples se multiplient. Dans la foulée de cet intérêt grandissant, un nouveau produit sera bientôt disponible à grande échelle au Québec : les panneaux de bois lamellé-croisé.

 

Inventés en Europe il y a une quinzaine d’année, ces panneaux ont récemment fait l’objet de recherches et développement afin de les adapter aux conditions québécoises. Les panneaux lamellés-croisés sont constitués de languettes de bois collées les unes aux autres à la manière des pièces de charpente en bois lamellé-collé. Ces panneaux massifs et structuraux peuvent mesurer jusqu’à deux mètres et demi de largeur sur une longueur de 26 mètres et présenter une épaisseur allant jusqu’à 300 mm. L’engouement des concepteurs et constructeurs est grand. En effet, si ces panneaux massifs permettent de séquestrer des quantités importantes de CO2 tout en réduisant significativement les émissions de polluants liés aux activités de construction, ils présentent également de nombreuses autres qualités constructives.

 

Entièrement préfabriqués en usine, les panneaux sont livrés au chantier prêt à y être assemblés. Les ouvertures requises pour les portes, fenêtres ou éléments mécaniques sont taillées en usine à l’aide de robots à commande numérique. Il en résulte une rapidité et une simplicité d’assemblage accrue sur le chantier. Ces qualités relatives à la mise en œuvre du produit permettent à celui-ci de rivaliser avec la plupart des systèmes de préfabrication actuellement disponibles sur le marché.

 

Bien sûr, architectes, ingénieurs et entrepreneurs devront apprendre à travailler avec cette nouvelle façon de construire. Le système constructif à base de panneaux lamellés-croisés est néanmoins simple. Ces panneaux massifs, lorsque mis en place peuvent servir de murs porteurs, de contreventements, de divisions intérieures, de planchers et de toits structuraux. Ils constituent également un excellent support pour la mise en place des éléments intérieurs et extérieurs de l’enveloppe. Le tout en permettant une séquestration massive de CO2. Évidemment, pour que l’impact environnemental soit positif, il est impératif que le bois provienne de forêts exploitées selon des pratiques durables.

 

Un des marchés cibles pour les panneaux de bois lamellé-collé est la construction commerciale et institutionnelle. Des recherches relatives à la sécurité incendie de ce type de construction sont en cours. Idéalement, le système pourrait être mis en œuvre dans des bâtiments de hauteur importante et comprenant des usages qui, habituellement, exigent une construction incombustible. Évidemment, le bois peut être ignifugé. Mais l’idée va plus loin : le fait d’avoir des panneaux massifs réduit grandement la surface de matière combustible en contact avec l’oxygène environnant. Le principe est d’éliminer les vides. Aux endroits où une résistance au feu accrue est requise, des panneaux de gypse peuvent être installés directement sur les panneaux de bois massif.

 

S’il présente de nombreux avantages aux niveaux architectural et structural, ce type de construction peut sembler problématique en ce qui a trait à l’intégration des systèmes mécaniques et électriques. À quels endroits passer les conduits mécaniques ainsi que le filage électrique et informatique dans un bâtiment construit de panneaux massifs ? Le défi est grand mais de nombreuses pistes de solution existent. Concentration des systèmes dans des puits verticaux, réseaux informatiques sans fil et ventilation naturelle constituent des possibilités à étudier.

De plus, un système constructif constitué de panneaux massifs pouvant être utilisés pour une multitude d’éléments du bâtiment est très compatible avec les technologies informatiques BIM. La modélisation d’un système constructif en panneaux est aisément réalisable. La quantité de bois utilisé est facilement mesurable et le modèle BIM peut être mis en lien direct avec les automates à commande numérique de l’usine de production. Une porte semble s’ouvrir pour une conception et une production de plans et devis entièrement numériques, directement liées au processus de fabrication et de construction.

 

L’année 2010 fut positive dans le domaine du bâtiment durable : le Québec semble avancer à grands pas. Mais les plus grands défis sont à venir. L’utilisation de quantités importantes de bois dans les constructions semble être une piste des plus intéressantes pour y faire face.

 

 

 

Conseil du bâtiment durable du Canada