Rose Construction : pour des chantiers aux casques roses

2 octobre 2014
Par Delphine Vincent

Rose Fierimonte, présidente de l'organisme sans but lucratif Les Elles de la construction et de l’entreprise Dorbec Construction, ajoute une autre corde à son arc. Avec sa partenaire Olga Coreni,  elle dirigera la compagnie exclusivement féminine Rose Construction. L'entreprise montréalaise pourrait être officiellement lancée au cours du mois d'octobre 2014.

 

Femme d'affaires cumulant plus de 25 ans de métier dans la gestion d'entreprises de la construction, Mme Fierimonte veut contribuer davantage à l'essor de la main-d'œuvre féminine sur les chantiers du Québec. « En tant que femme pionnière québécoise dans cette industrie, nous dit-elle,  je me suis demandée ce que je pouvais faire de plus. »

 

Trois souhaits l'ont donc motivée à fonder Rose Construction. D'abord, donner du travail aux femmes et renverser cette tendance à la désillusion devant les perspectives d'emploi peu encourageantes pour la gente féminine. Ensuite, agir comme mentor en partageant ses connaissances et son expérience pour préparer la relève et en formant de futurs leaders femmes en construction. Finalement, changer les statistiques publiées dans l'avis Une mixité en chantier – Les femmes dans les métiers de la construction, du Conseil du statut de février 2013 et passer de 1,3 % à 2 % de femmes sur un chantier de construction.

 

Le Québec connaît les plus basses statistiques en Amérique du Nord en ce domaine. Non seulement les femmes sont peu présentes sur les chantiers, mais elles comptent également le plus haut taux d'abandon.

 

Après cinq ans de pratique, près de 60 % d'entre elles quittent le milieu de la construction pour ne plus y revenir. Un dur constat considérant qu'elles  représentent un bassin important de la relève. C'est pour renverser cette tendance que Mme Fierimonte souhaite lancer son mouvement des casques roses.

 

Une compagnie tout en rose

Rose Construction engagera exclusivement des femmes, et ce, pour tous les corps de métiers, autant pour le volet administratif que pour les postes de chantier. Un noyau de sept femmes forme déjà  la base de l'équipe, que ce soit comme comptable, contremaître, ingénieure ou gérante de projet. Olga Coreni, l'associée de Mme Fierimonte, se chargera de l'estimation.

 

Il s'agit de la première compagnie composée uniquement de femmes œuvrant dans le secteur commercial et industriel. Rose Construction offrira ses services en sous-traitance aux entrepreneurs généraux.

 

Elle se spécialisera d'abord en travaux de menuiserie, de charpenterie et de systèmes intérieurs. Il est toutefois envisagé d'ouvrir de nouvelles divisions au gré des contrats. Des femmes peintres ou céramistes pourraient alors rejoindre les rangs de l'entreprise.

 

Pour grossir une équipe, il faut que les contrats affluent. Ces contrats, seront-ils au rendez-vous ? C'est une crainte bien commune lorsqu'une nouvelle compagnie est créée. Mme Fierimonte demeure confiante. « J'ose croire que les femmes entrepreneures générales membres des Elles emboîteront le pas et retiendront nos services. » Dans les premiers temps, elle compte bien donner un coup de pouce à ses casques roses en leur offrant certains contrats de sa compagnie Dorbec.

 

Un processus pas si rose

Depuis son ascension au poste de présidente des Elles de la construction, en mai 2013, l'entrepreneure mijote son projet de fonder une compagnie exclusivement féminine. Le 23 mai 2014, la compagnie Rose Construction a été légalement formée.

 

Depuis, elle franchit pas à pas chacune des étapes qui la mèneront au lancement officiel. Un logo a été conçu, certains postes-clés ont été pourvus… Un défi de taille se dresse cependant devant elle : recruter des femmes compagnons charpentières-menuisières.

 

L'avis Une mixité en chantier – Les femmes dans les métiers de la construction démontre que seulement 18 % des femmes ont obtenu le statut de compagnon, contre 40 % chez les hommes. Les femmes compagnons se font donc très rares. Qui plus est, le règlement de la Commission de la construction du Québec (CCQ) stipule que pour un travailleur apprenti, le chantier doit comprendre cinq travailleurs compagnons.

 

« Cette loi freine le lancement de mon entreprise, estime Mme Fierimonte. J'ai déjà de la difficulté  à trouver une seule femme compagnon charpentière-menuisière. Sans compter que Rose Construction n'aura pas assez de contrats dans ses débuts pour faire travailler à temps plein cinq femmes compagnons. »

 

Elle s'attèle tout de même à la tâche, ne s'essouffle pas et continue ses démarches. Elle espère que la CCQ soit prête à revoir ses règlements et à faire preuve de flexibilité pour s'adapter au marché. Un ratio plus bas lui permettrait de ne pas recourir à de la main-d'œuvre masculine, une solution qu'elle envisage en dernier recours mais qui ferait déroger son entreprise de sa ligne directrice première.

 

« S'il faut remettre le lancement officiel plus tard, nous le ferons. L'important est de partir du bon pied », avance la fondatrice de Rose Construction. Les casques roses pourraient donc bien prendre leur envol qu'en janvier 2015.