Le processus de conception intégrée 101

12 janvier 2010
Par François Cantin, M. Sc. Arch.

Discuter et commenter un sujet aussi vaste et complexe que le processus de conception intégrée (PCI) en quelques paragraphes s'avère impossible. Pour cette raison, cette chronique se veut plutôt une réflexion qui, espérons-le, saura inciter les professionnels de la construction à un niveau de collaboration supérieur, et ce, dans le but avoué d'augmenter la qualité de leurs productions architecturales. Bref, abordons quelques fausses perceptions relatives au PCI dans le but de démythifier cette approche et d'en démontrer quelques-uns des avantages.

 

Le PCI en quelques mots

Tel que discuté par Alex Zimmerman dans son Guide sur le processus de conception intégrée,[1] aucun élément de la conception intégrée n'est révolutionnaire en soi. C'est plutôt la somme de tous ses éléments et surtout ce qu'en fait l'équipe qui distingue le PCI des méthodes de conception traditionnelles.    

 

Dès le départ, l'ensemble des professionnels doivent s'investir en tant que membres à part entière de l'équipe de conception. Chacun est invité à réfléchir en fonction de son champ de compétences tout en développant, de façon proactive, des idées et des pistes d'analyse. Le PCI se voulant inclusif, l'apport de chacun est ensuite discuté, voire débattu, dans le cadre de charrettes de conception où tous doivent prendre position afin d'atteindre les objectifs communs architecturaux, énergétiques, sociaux, etc.

 

À cet égard, dans son livre Green Building Through Integrated Design,[2] Jerry Yudelson explique que les charrettes les plus productives sont celles où les discussions sont si animées, tant chacun s'investit, commente et critique le travail de ses collègues tout en proposant des solutions alternatives, qu'il devient pratiquement impossible de discerner le titre (architecte, ingénieur, client) des intervenants réunis autour de la table.

 

Ceci étant dit, il apparaît nécessaire de rassurer certains. En fait, on sent parfois les architectes anxieux de perdre leur rôle de chef d'orchestre dans le cadre d'un PCI. Ceux-ci doivent cependant réaliser qu'ils devront toujours s'acquitter de cette fonction puisque chaque projet nécessite un meneur et qu'ils sont, de par leur approche et formation, les mieux placés pour le faire. Cependant, ils auront maintenant la responsabilité de gérer une nouvelle dynamique d'équipe et d'accueillir les idées de leurs collègues qui eux, en contrepartie, pourront les guider de manière plus efficace de par leur plus grande implication.

 

LEED et la conception intégrée

Afin de maximiser cette synergie, il importe que les intervenants rejettent d'emblée l'idée voulant que le PCI se résume à une simple démarche intellectuelle permettant d'encadrer une chasse aux points LEED. De prime abord, si LEED est parfois perçu de cette manière, c'est généralement en raison d'un processus mal mené caractérisé par une série de tâches mal séquencées. Par exemple, la réalisation de simulations énergétiques en fin de course pour compléter la documentation nécessaire à la certification, et non au début de la conception pour informer le design, donne l'impression d'une surcharge de travail en plus de n'ajouter aucune valeur au projet.

 

Quoique louable, le fait de poursuivre un objectif de certification n'est pas, en soi, synonyme de conception intégrée. Après tout, LEED ne requiert pas explicitement que le bâtiment auquel il est appliqué ait été développé dans le cadre d'un PCI (bien que cela soit préférable). Il ne faut donc pas percevoir la certification comme étant le chemin à suivre à tout prix, mais plutôt comme le résultat d'une démarche de conception adéquatement menée. Néanmoins, un PCI rigoureux facilitera forcément l'obtention d'une certification de haut niveau (or ou platine) tout en respectant budget et échéancier.

 

Un défi différent

Afin d'atteindre un tel niveau d'excellence, les équipes doivent cependant s'attendre à revoir leur méthodologie de travail et leur approche face au projet. Ainsi, dans la plupart des PCI, le temps consacré à la conception est réparti différemment puisqu'il est primordial de consacrer plus de temps au début afin de planifier adéquatement l'ensemble de l'exercice. Par contre, étant donné que les prises de décisions sont de meilleure qualité et plus exhaustives, les étapes subséquentes se déroulent plus rapidement. En particulier, les ingénieurs peuvent espérer consacrer moins de temps à refaire et à corriger leurs concepts qui auraient été élaborés sur la base d'hypothèses erronées. Bref, il s'agit ici de défier l'approche du « better, faster, and cheaper » qui caractérise trop souvent les projets. Pour plusieurs architectes, le réel défi sera de résister au sentiment d'urgence qui les pousse à saisir le crayon et dessiner sans avoir clairement identifier au préalable les buts à atteindre.

 

En fait, comme le mentionne Jerry Yudelson, le PCI peut aisément se comparer à un travail de recherche qui nécessite à la fois une planification irréprochable ainsi qu'une part d'inattendu et de risque. L'équipe doit constamment questionner l'ensemble de ses assomptions, s'attendre à revenir en arrière afin de peaufiner différents détails à l'aide d'analyses, confronter à nouveau ses idées pour ensuite mieux recommencer, et ce, jusqu'à l'atteinte de la solution jugée optimale. En quelque sorte, il faut faire confiance au processus et travailler dans l'optique que la meilleure solution émergera forcément du génie du groupe et qu'elle questionnera parfois même les codes et normes en application. Néanmoins, un tel défi ne représente-t-il pas le meilleur moyen de progresser ?

 

 L’auteur  est stagiaire en architecture chez Hudon Julien et Associés ainsi que membre bénévole au sein de la section du Québec du CBDCa.


1] Zimmerman, A. (s/d) Guide sur le processus de conception intégré, Société canadienne d'hypothèques et de logement, 18 p.

[2] Yudelson, J. (2009) Green Building Through Integrated Design, New York : McGraw-Hill.

 

 

Conseil du bâtiment durable du Canada