Le pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine : une innovation québécoise

13 août 2015
Par Francis Pilon

Construit en pleine Révolution tranquille, le pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine a été réalisé pour soulager les embouteillages entre la Rive-Sud et Montréal par des artisans et avec des métaux québécois.

Dès 1960, les voitures commencent à être plus accessibles aux familles québécoises. Comme le mentionne le directeur à l'atelier d'histoire Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Réjean Charbonneau, cette situation change radicalement l'achalandage sur nos routes. « Avant, les gens n'avaient pas accès aux crédits, rappelle M. Charbonneau. Mais durant la Révolution tranquille, les familles pouvaient surtout acheter des voitures grâce à ceux-ci. Le tout augmentait le besoin quantitatif de devoir développer une autre voix pour la circulation vers Montréal. »

 

Selon lui, l'étalement urbain est un autre facteur qui a amené les ingénieurs du Québec à développer un nouveau pont. « Autant sur la Rive-Sud qu'en campagne, on avait besoin d'un moyen pour traverser le fleuve. Les ponts ne suffisaient plus déjà et on devait agir rapidement », mentionne Réjean Charbonneau.

 

 Le pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine, une innovation québécoise. Credit - MTQ

 

Les ouvriers commencent à préparer les terrains pour la construction du pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine en 1963. C'est aujourd'hui une des plus grandes infrastructures au monde dans sa catégorie et le projet ne s'est pas fait dans la dentelle. Le village de Longue-Pointe a été supprimé pour laisser place au présent pont-tunnel.

 

« C'est quand même 300 familles qui ont été expropriées. Ça, c'est le paradoxe. Pour créer une œuvre d'ingénierie moderne, on va sacrifier plus de 220 années d'histoire. Je ne condamne pas le pont, mais je condamne le choix de l'emplacement. Ils auraient pu passer à côté », s'exclame le directeur à l'atelier d'histoire Mercier-Hochelaga-Maisonneuve.

 

Innovation québécoise

Deux ingénieurs québécois, Armand Couture et Per Hall, sont les premiers à présenter au Québec une construction mixte comprenant un tunnel et un pont pour traverser le fleuve Saint-Laurent. Pour un coût total s'élevant à 75 millions $, la construction d'un pont-tunnel est plus rentable que celle d'un pont conventionnel à l'époque.

 

« Le Québec s'appropriait ses propres matériaux avec ce projet, mentionne M. Charbonneau. L'ingénierie québécoise est en émergence. On va trouver des techniciens qui étaient très expérimentés et qui avaient développé une expertise. Avec ces nouvelles  innovations et toute cette créativité, on s'appropriait le pont-tunnel pour nous et à faible coût. »

 

 

 Le pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine, une innovation québécoise. Credit - MTQ

 

Les matériaux nécessaires pour construire un pont conventionnel sont la principale raison pour laquelle les ingénieurs se sont plutôt tournés vers le pont-tunnel. « De faire un pont normal aurait coûté beaucoup plus cher parce que l'acier était vendu par les États-Unis à des prix élevés, note Réjean Charbonneau. Alors, on va développer des technologies québécoises pour développer le béton. » Une des caractéristiques principales du pont-tunnel a été l'utilisation de la technique du béton précontraint pour le solidifier.

 

Selon Réjean Charbonneau, le pont-tunnel est une infrastructure facilitant la vie des citoyens. Il laisse premièrement passer les bateaux sans qu'aucune intervention ne soit nécessaire puisqu'il est sous l'eau. «Ça facilite l'entretien aussi, on n'a pas à le déneiger. En plus, l'entrée et la sortie du pont-tunnel sont chauffées électroniquement de façon à faire fondre la neige », souligne M. Charbonneau.

 

 Le pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine, une innovation québécoise. Crédit: Blanchardb - Wimimedia Commons - CC BY-SA 3.0

 

Selon lui, même si l'infrastructure aura 50 ans en 2017, tous les changements apportés au pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine ne sont que cosmétiques. « Pour le reste, structurellement et techniquement, il est très solide et très fiable. La preuve, on n'entend presque jamais parler de lui dans les journaux », remarque le spécialiste.