11 janvier 2016
Par Marie Gagnon

Collecter l’eau de pluie pour laver les rues de Montréal ? C’est la prouesse accomplie par le nouveau Centre intégré MTQ-CGER de Montréal.

Au pied de la falaise Saint-Jacques, sur la rue Pullman, se niche le nouveau Centre intégré de gestion de l’équipement roulant du ministère des Transports du Québec (Centre intégré MTQCGER). Certifié LEED Or en mars dernier, ce bâtiment de 3 740 mètres carrés, auquel s’ajoute un entrepôt à sel de 2 000 tonnes, intègre non seulement les meilleures pratiques en matière d’architecture verte, mais il met également en scène une approche novatrice quant à l’utilisation de l’eau pluie.

 

Les toitures de ces deux bâtiments sont en effet conçues pour collecter annuellement quelque 840 000 litres d’eau de pluie afin d’alimenter les sanitaires de l’édifice ainsi que les camions-citernes affectés à l’entretien des rues de la métropole. Pour le seul lavage des rues, la réduction de la consommation de l’eau potable est estimée à 28 %. Cette initiative a d’ailleurs valu au projet le prix Reconnaissance 3RV lors de la 26e édition des Trophées Innovation et développement durable Contech.

 

Un procédé simple

Même si l’approche est novatrice – il s’agit d’une première pour un garage –, le procédé de récupération et de réutilisation des eaux de ruissellement provenant des toitures ne fait appel à aucune technologie sophistiquée ou d’avant-garde. « L’équipe de projet a su tirer profit de la vocation des installations plutôt que de se précipiter sur des équipements de pointe coûteux, note Yvan Côté, directeur de projet pour Bouthillette Parizeau. Ce qu’il y a d’innovateur dans ce projet, c’est que le concept colle parfaitement aux besoins réels du centre, qui sont d’alimenter les camions-citernes. »

 

Le principe est simple : au lieu d’être raccordés au réseau pluvial, les drains de toit sont branchés à des réservoirs cylindriques en PEHD noir, installés à même la dalle sur sol du garage. Au nombre de quatre, ces réservoirs ont une capacité respective de 12 000 litres, ce qui correspond à un volume de rétention optimal évalué à 48 000 litres.

 

Pour limiter la prolifération de micro-organismes, ils sont jumelés à un système de filtration et de désinfection au peroxyde. Le système de collecte se complète d’un équipement de surpression qui assure le remplissage des camions-citernes en moins de 30 minutes. Enfin, comme l’entrepôt à sel n’est pas chauffé et que sa toiture devait être mise à contribution pour atteindre les volumes d’eau visés, la collecte de ses eaux de ruissellement a nécessité en outre une infrastructure souterraine jumelée à un système de pompage pour acheminer l’eau aux réservoirs. En tout, le système représente un surcoût de 200 000 dollars sur un budget de construction de 6,1 millions de dollars.

 

De vocation à vision

Il faut dire que le design du centre, qui abrite des locaux administratifs, un garage et un atelier, se prêtait bien à cet usage. Épousant la forme d’un « L » pour masquer les baies de garage, il offre à la récupération une surface de toiture de 3 456 mètres carrés. Ce toit à platelage métallique presque entièrement végétalisé, à l’exception du gravier blanc qui en limite le pourtour, affiche un coefficient d’imperméabilisation de 0,95.

 

« Le client était très impliqué, rapporte Céline C. Mertenat, coordonnatrice en développement durable pour Provencher Roy Architectes. Le résultat, c’est un bâtiment très efficace, autant sur le plan énergétique qu’environnemental. Comme tout bon design, on a d’abord misé sur des mesures passives. Par exemple, on a joué avec la volumétrie du bâtiment et maximisé la fenestration du côté de la cafétéria et de la salle de réunion pour optimiser la lumière naturelle. On a créé de cette manière un lien visuel intéressant avec la falaise. »

 

Elle précise que ces pratiques, tout comme le niveau élevé d’isolation des murs et du toit ou la spécification d’équipements mécaniques à haute efficacité, sont aujourd’hui monnaie courante. Conjuguées avec des moyens plus musclés, comme la géothermie dans l’atelier et la zone administrative, la récupération de la chaleur à l’aide d’une roue thermique ou, encore, le préchauffement de l’air frais au moyen d’un mur solaire sur la façade sud, ces mesures ont permis d’atteindre une consommation énergétique de 36 % inférieure à celle du bâtiment de référence du CMNÉB (Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments) lors des simulations.

 

Quelques défis sont toutefois venus compliquer la donne. Comme le contrôle rigoureux des sédiments au chantier, une condition essentielle à l’obtention de la certification LEED. Sauf que le projet est réalisé entre 2012 et 2013, à une centaine de mètres de l’échangeur Turcot, où d’importants travaux préparatoires ont cours. La mise en place de moyens de protection appropriés a permis de préserver le site et de remplir cette condition. Sans oublier le bois du revêtement extérieur, de provenance locale mais non certifié FSC, qui a poussé les concepteurs à multiplier les usages de bois FSC dans l’entrepôt à sel et à l’intérieur du bâtiment pour compenser ce choix.

 

« Au départ, on visait le niveau Argent mais au bout du compte, le projet a obtenu le niveau Or, signale Céline C. Mertenat. Autrement dit, le projet n’a perdu aucun point mais en plus, il en a récolté un au passage lorsque, en cours de chantier, le MTQ a décidé de se doter d’une flotte de véhicules électriques, qui produisent moins de gaz à effet de serre. Le stationnement a donc été aménagé en conséquence, avec des bornes de recharge et des places réservées. Mais pour atteindre une telle performance, il a fallu d’abord réaliser tout un travail d’équipe. »

 

ÉQUIPE DE PROJET
  • Donneur d'ouvrage : Société québécoise des infrastructures (SQI)
  • Architecture : Provencher Roy
  • Génie mécanique/électrique : Bouthillette Parizeau
  • Génie civil/structural : EXP
  • Construction : Cybco

 

BIM EN CHIFFRES
  • Simulation énergétique : 349,3 kWh/m2
  • Réduction de la consommation d’énergie selon le CMNÉB 97 : 36 %
  • Niveaux d’isolation : Enveloppe : R25 | Toiture : R40
  • Collecte de pluie : 840 000 litres par année : 28 % de l’eau nécessaire à l’entretien des rues 45 % de l’eau nécessaire aux sanitaires
  • Réduction annuelle de la consommation d’eau potable : Bâtiment : 60 % | Sanitaires : 90 %

 


Cet article est tiré du Supplément thématique – Bâtiment 2015. Pour un accès privilégié à l’ensemble des contenus et avant-projets publiés par Constructo, abonnez-vous !