Former ses employés pour la concurrence ?

13 janvier 2010
Michel Fournier, président-directeur général, FFIC

Après 10 ans d’exploitation des fonds de formation, une réalité s’impose : Contrairement aux travailleurs, les employeurs sous-utilisent les fonds de formation. En 2007-2008, seulement 3 % des entrepreneurs ont organisé du perfectionnement en entreprise alors que plus de 16 % des travailleurs ont mis en œuvre une démarche de perfectionnement.


Comment expliquer, cette faible participation des entrepreneurs qui sont les bailleurs de fonds des fonds de formation ? Comment expliquer que des gens d’affaires aguerris aux investissements rentables et profitables, ne cherchent pas, annuellement, à bénéficier de leur cotisation de 0,20 $ de l’heure travaillée ?
Difficile d’invoquer la méconnaissance des fonds de formation des travailleurs : le FFIC et le Plan sont connus de l’industrie.


La tiédeur des entrepreneurs vis-à-vis du perfectionnement est très souvent associée à la peur de perdre sa main-d’œuvre qualifiée. Comme si investir du temps et des efforts dans le perfectionnement équivalait à former ses employés pour la compétition.


Je ne vais certainement pas m’employer à vous convaincre que le risque de voir partir un employé qualifié au profit d’un compétiteur n’existe pas. Mais s’il est bel et bien réel, est-ce que le risque est suffisamment élevé pour qu’une entreprise se prive d’une main-d’œuvre qualifiée ? Qu’à cause d’une équipe de travail moins performante, elle soit distancée par un concurrent ?


Je pense que non. Nous nous emploierons donc dans cette chronique à voir certaines stratégies qui permettent à l’entrepreneur de s’assurer de la rentabilité de son investissement dans le perfectionnement en minimisant le risque de voir partir sa main-d’œuvre qualifiée.


La première stratégie qui nous vient à l’esprit, ce sont des conditions salariales qui tiennent compte de la valeur des compétences du travailleur. Bonifier le salaire établi par la convention collective est une pratique courante, comme d’offrir des conditions de travail avantageuses (véhicule fourni par l’entreprise, horaire de travail, boni de rendement, etc.)


Plus il est qualifié, plus il est performant, meilleures devraient être ses conditions de travail. Bien que cette stratégie soit très opportune, elle ne peut suffire à elle seule à retenir un très bon employé qui pourrait être l’objet de maraudage par un concurrent.


En relations de travail c’est connu, la reconnaissance salariale est importante, mais elle n’est pas suffisante pour assurer la motivation et garder en emploi son personnel. Ce qui est gagnant, c’est la combinaison conditions de travail et valorisation de la tâche. 


Faire de son meilleur homme, son bras droit, bonifier ses tâches, lui donner des responsabilités accrues, c’est le valoriser à ses yeux et aux yeux de ses collègues. Si un taux horaire se négocie, il en va autrement de la reconnaissance qui s’acquiert avec le temps. Un travailleur apprécié et valorisé va certainement y penser deux fois avant de quitter son employeur, même pour un salaire supérieur !


Certains entrepreneurs privilégient le perfectionnement en entreprise, question de garder son monde et les savoir-faire…en entreprise ! C’est le cas de Chauffage Serge Mongeon inc. Serge Mongeon est un entrepreneur organisé et dynamique. Pour contrer le maraudage, M. Mongeon, investit dans le développement du sentiment d’appartenance à l’entreprise en offrant, notamment,  à ses employés des rencontres festives et des cours de formation.


À ce titre, il a mis sur pied un centre de documentation accessible à tous ces employés où chacun peut trouver de la documentation sur les fournisseurs, les matériaux mais aussi des revues spécialisées. Il s’est doté d’une salle de classe (tables, chaises, tableau, panneaux pédagogiques, etc.) où il peut donner des cours de formation à n’importe quel moment. 


De plus, comme il est allé lui-même chercher toutes les certifications nécessaires pour appuyer l’offre de service de son entreprise, il détient les compétences pour donner la formation aux membres de son équipe. Sa main-d’œuvre est sans contredit formée selon ses besoins et ses employés ont développé des liens serrés avec l’entreprise puisque cette dernière n’a pas un haut taux de roulement…


Cet employeur contre le maraudage de sa main-d’œuvre et, en même temps, représente probablement une certaine force d’attraction auprès des travailleurs de la concurrence…


Un autre obstacle au perfectionnement invoqué par les entrepreneurs est la petite taille d’une entreprise : « Quand on est une petite entreprise de six employés et moins, ça ne donne rien d’inciter les travailleurs à se perfectionner puisqu’ils ont peu de chance d’avancement… »


Au premier regard, on est porté à penser que dans une PME ou une PPE où il n’y a pas de structure organisationnelle élaborée, il y a peu de chance d’avancement pour un travailleur très qualifié. À bien y penser, la petite entreprise a la capacité de réagir beaucoup plus rapidement et directement au développement des compétences et des savoir-faire que la grande entreprise où le travailleur n’est qu’un soldat parmi tant d’autres.


L’entrepreneur d’une petite entreprise sera toujours en mesure d’offrir des défis variés à son meilleur gars, de lui faire confiance et de le valoriser. Alors que la grande entreprise pour des raisons d’organisation du travail cherchera toujours à spécialiser davantage les tâches.


En définitive, peu importe que l’entreprise soit de petite ou de grande taille, pouvoir compter sur des travailleurs qualifiés représente une plus value, garante de sa capacité de faire l’ouvrage efficacement et dans les délais.


Pour obtenir d’autre information, vous pouvez joindre Michel Fournier au FFIC au 1 877 325-1117.
Fonds de formation de l'industrie de la construction