6 février 2012
Par Étienne Soucy

Vieillissement : Développement résidentiel (1/3)

 

La population prend de l’âge, c’est connu. Ce qui donne toute l’ampleur au phénomène, c’est l’étendue des conséquences qu’il apporte au Québec. Au-delà des bébé-boumeurs de plus en plus nombreux à devenir admissibles aux programmes de l’âge d’or, c’est toute une population qui ressent les contrecoups d’une tendance démographique jamais vue dans la belle province. La vague de changement déferle déjà sous les pieds de l’industrie de la construction et nous dévoile un secteur en pleine mutation : le développement résidentiel.

 

C’est cette année que les travailleurs les plus âgés issus du boum démographique de l’après- guerre commenceront à prendre leur retraite. Et peu à peu, le marché de l’habitation résidentielle unifamiliale neuve, qui est pourtant aujourd’hui complètement effervescent, entamera un lent déclin.

 

Pour l’industrie de la construction, c’est le début d’une étape de transition. Comme la population vieillit, la croissance économique aura tendance à diminuer, ce qui fera peut-être diminuer la demande générale en construction. En contrepartie, d’autres secteurs du développement résidentiel amèneront beaucoup de clous sous le marteau des travailleurs dans les années à venir. Après tout, il s’agit d’un segment de marché représentant 1,4 million de ménages.

 

Modifier pour mieux habiter

Les bébé-boumeurs tiennent à leur maison. Plus qu’une simple tendance, cette valeur prend ses racines dans leur culture. C’est ce que révèle une étude effectuée par l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec (APCHQ), intitulée Étude exploratoire sur la trajectoire résidentielle des baby-boomers et présentée lors du 49e Congrès de la construction et de la rénovation en septembre 2010.

 

Selon Jean-Paul Filion, directeur principal du Service du développement des affaires et des relations gouvernementales de l’APCHQ, « les résultats préliminaires du rapport démontrent que les bébé-boumeurs constituent essentiellement une cohorte sédentaire qui n’aspire pas à changer de résidence au cours des années à venir ». Ainsi, les boumeurs seront prêts à tout pour ne pas quitter la maison qui les a vus vieillir. D’ailleurs, l’étude prévoit que les enfants de l’après-guerre considèrent rester encore près de 14 ans dans leur maison actuelle avant d’envisager un déménagement.

 

Sauf que les désagréments du vieillissement les amèneront par ailleurs à faire des choix. Plusieurs se verront contraints de déménager de la grande maison vers un plus petit nid. Exit, le domicile familial. C’est d’ailleurs pourquoi l’APCHQ révèle que 60 % des propriétaires veulent se tourner vers un domicile plus petit.

 

Pour d’autres, c’est non négociable : ce ne sont pas eux qui s’adapteront à une nouvelle maison, mais bien la maison actuelle qui s’adaptera à eux. Effectivement, plusieurs couples de retraités choisiront de faire modifier ou d’adapter leur résidence pour la rendre plus pratique pour des gens âgés. Installation de rampe d’accès ou d’ascenseur, modification de la largeur des portes ou uniformisation des niveaux du plancher font partie de toute une gamme de mesures pouvant être mises en œuvre pour adapter une maison aux personnes âgées.

 

Pour François Bernier, économiste à l’APCHQ, la rénovation prendra de plus en plus de place dans l’industrie de la construction au Québec : « Il est à prévoir que le ralentissement de la construction de maisons neuves mettra à profit d’autres secteurs comme celui de la rénovation. »

 

La copropriété, jeune et urbaine

L’appartement a de plus en plus la cote au Québec. Côté pratique oblige, il devient le choix de plus en plus de jeunes retraités. Même si la résidence unifamiliale demeure encore le premier choix des boumeurs, la tendance montre que le marché de la copropriété sent le vent monter dans ses voiles. M. Bernier met cependant un bémol à la corrélation entre bébé-boumeurs et copropriétés : « l’augmentation du nombre de mises en chantier d’unités est d’abord attribuable à une tendance visible chez les jeunes adultes en milieu urbain. Pour les retraités, l’achat d’un appartement s’avère souvent le deuxième ou le troisième choix. Seulement 22 % des boumeurs se tournent vers la copropriété. Par ailleurs, son côté pratique, caractérisé par une plus petite superficie habitable et un entretien réduit, est indéniable et il est considéré par les retraités ».

 

On peut ajouter à cela que pour 67 % des répondants, on ne considère pas de demeurer au centre-ville ou en région périphérique immédiate du centre-ville de Montréal ou de Québec, ce qui limite l’accès aux projets en copropriété.

 

Le marché pour les résidences de retraités

De façon logique, le vieillissement de la population aura aussi un impact considérable à moyen et à long terme sur le marché des résidences pour personnes retraitées. Si le marché est présentement dans un petit creux de vague, il rebondira avec force dans les prochaines années.

 

Marie-Michèle Del Balso, vice-présidente, Développement et Affaires publiques chez Le Groupe Maurice, entrevoit l’avenir de l’industrie avec optimisme. Selon elle, il se segmentera de plus en plus, notamment pour offrir plus de choix et plus de services aux usagers. « Il faut être à l’écoute et réagir rapidement. Le marché en est à ses premiers balbutiements, il est encore

jeune. Il se transforme de plus en plus et les retraités ont du choix, enfin ! »

 

Mme Del Balso affirme aussi que les besoins seront bien différents dans l’avenir. « La réalité de demain ne correspond pas à celle d’il y a 20 ans. Et le marché de demain ne ressemblera pas à celui d’aujourd’hui. » Les personnes âgées, beaucoup plus actives qu’avant, voudront des logements plus spacieux.

 

D’ailleurs, « les nouveaux projets sont beaucoup plus invitants. Fini, les résidences offrant des chambres de +/- 200 pieds carrés et où l’on doit partager une salle de bain. Les personnes plus âgées ne veulent pas se sentir placées, elles veulent choisir leur habitation et préserver leur autonomie aussi longtemps que possible ». Elles voudront aussi demeurer dans leur quartier, près des services commerciaux et communautaires qu’elles connaissent déjà.

 

De plus, la tendance sera aux projets intégrés, pour que les résidents n’aient pas à déménager une fois admis. C’est donc dire que l’industrie de la construction sera de plus en plus sollicitée pour permettre la croissance et l’adaptation à la nouvelle réalité du marché des résidences pour retraités.

 

 


Ce sujet pique votre curiosité ? Lisez tous les articles du dossier VIEILLISSEMENT :

 

Un Québec grisonnant (Portrait de la situation 1/1)

 

Portrait d’une industrie en transformation (Industrie de la construction 1/2)

L’industrie de la construction en action face au vieillissement (Industrie de la construction 2/2)

 

Former nos villes pour l’avenir (Urbanisme 1/1)

 

Une communauté en mouvance (Développement résidentiel 1/3)

Résidences pour retraités – Demain, c’est loin ? (Développement résidentiel 2/3)

Habitations mixtes – Une sagesse à partager (Développement résidentiel 3/3)